Christian Bérard, Triptyque pour la boutique de Jean-Michel Frank, non daté
Au centre du triptyque : vase en plâtre de Giacometti et lampe de Frank
Collection Jacques Grange
« Christian Bérard, Excentrique Bébé » s’inscrit dans la continuité d’un programme d’expositions consacré à l’esthétique révolutionnaire développée par Serge Diaghilev à Monte-Carlo. Préfigurant certains aspects de l’art contemporain, l’approche transdisciplinaire du fondateur des Ballets russes a entraîné une transformation radicale des arts décoratifs dans les années 1910 et 1920 et continue d’exercer une influence durable sur les arts visuels et la performance.
Christian Bérard attablé à un restaurant des Goudes, 1941
© Indivision A. et A. Ostier
CHRISTIAN BÉRARD, EXCENTRIQUE BÉBÉ
Adoptant un regard décentré, l’exposition s’appuie sur la notion de « modernisme excentrique » définie par l’universitaire américaine Tirza T. Latimer, qui propose une relecture inclusive pour revaloriser les artistes relégués à la marge d’une histoire officielle de l’art.
Christian Bérard et Jean-Michel Frank,
Paravent à quatre feuilles réalisé pour l’appartement de Claire Artaud, 1936
Huile sur toile, bois moulé doré
Collection Galerie Alexandre Biaggi et Pruskin Gallery – photo : Francis Amiand
Excentrique, Bérard a œuvré librement dans de nombreux cercles et domaines artistiques. Décorateur et costumier de théâtre et de cinéma, dessinateur de mode, ensemblier, il lui fut trop longtemps reproché de se disperser dans les arts dits « mineurs », au détriment de sa peinture.
Christian Bérard
Autoportrait, 1930
Huile sur toile
Collection NMNM, n° 1991.4.54
Ancienne collection Boris Kochno Photo : NMNM/Marcel Loli
Excentrique, ce Bébé au visage poupon reçoit dans sa chambre et pose régulièrement, allongé dans son lit. Ses portraits, mis en relation avec les décors qu’il conçoit pour la scène et le cinéma mais aussi avec ses plus prestigieux décors d’intérieurs, expriment une théâtralisation exubérante de l’intime.
Christian Bérard dans le décor qu’il réalisa pour Les Bonnes de Jean Genet,
Paris, théâtre de l’Athénée, avril 1947
© Studio Lipnitzki/Roger-Viollet
Excentrique, c’est loin de Paris, auprès de ses amis et mécènes résidant sur les bords de la Méditerranée, qu’il crée parmi ses œuvres les plus emblématiques, souvent inspirées des peintres italiens du Quattrocento.
Christian Bérard, Le joueur de flûte pour Marie-Blanche de Polignac, non datée
Huile sur toile marouflée sur un panneau de bois
Collection Raymond Toupenet
Photo : Mirela Popa
Christian Bérard, Marie-Blanche de Polignac, c. 1930-193
Collection Juan Picornell
Photo : Tomeu Sastre
Entre vues d’intérieurs et paysages méditerranéens, le parcours de l’exposition évoque les nombreux séjours de Bérard dans le sud : de Monte-Carlo, où il signe en 1932 son premier projet pour les Ballets russes, à Tamaris où il installe son atelier à la période estivale, jusqu’au domaine de Lily Pastré à Marseille, en passant par la Villa de Charles et Marie-Laure de Noailles à Hyères, plus de trois cents tableaux, dessins, photographies et décors d’intérieurs retracent une vie de rencontres et de collaborations avec les grands créateurs de son temps, parmi lesquels figurent Jean Cocteau, Louis Jouvet, Christian Dior et Gabrielle Chanel.
Bérard peignant sur son chevalet Les enfants des Goudes, 1941
Collection Pierre Passebon
© Indivision A. et A. Ostier
Christian Bérard, Carnaval, 1927
Huile sur toile
Collection Juan Picornell – Photo : Tomeu Sastre
Mise en scène de Jacques Grange
En fin connaisseur de Christian Bérard, animé d’une véritable passion qui lui fut transmise par Yves Saint Laurent, le décorateur Jacques Grange orchestre une mise en scène à rebours des codes classiques de la muséographie. Jouant malicieusement avec les codes esthétiques d’une maison bourgeoise que Bérard aurait pu habiter à Monaco, il rend hommage aux intérieurs mythiques réalisés en collaboration avec Jean-Michel Frank, le grand décorateur des années 1930.
Christian Bérard et son chien Cola, devant le Casino de Monte-Carlo, 1939
Collection SBM, Monte-Carlo
© Monte-Carlo Société des Bains de Mer
PARCOURS DE L’EXPOSITION
L’exposition « Excentrique Bébé » a pour objectif de revaloriser les pratiques transdisciplinaires de Christian Bérard, qui a œuvré simultanément dans de nombreux cercles et domaines artistiques entre 1925 et 1949. Pour honorer cet esprit libre et véritablement excentrique, le parcours de l’exposition n’est soumis à aucun ordre chronologique, ni classement par discipline. Il permet au contraire de faire dialoguer peinture, décors et costumes pour le théâtre et le cinéma, dessins de mode, décoration d’intérieur, afin de restituer la richesse et la complexité d’une aventure souvent collective, retraçant tout un pan de la vie artistique dans les années 1930 et 1940.
Les œuvres sont présentées au sein de la villa Paloma dans un intérieur intimiste que Bérard aurait pu habiter lors de ses séjours en Principauté. Au fil des trois étages de la demeure patricienne, le parcours permet d’aborder trois grandes thématiques dans l’œuvre et la vie de Bérard : Les Intérieurs, Le Merveilleux et La Méditerranée.
LES INTÉRIEURS
La première section du parcours ouvre sur un hommage au décorateur Jean-Michel Frank (1895- 1941), qui invita régulièrement dans ses projets les artistes qu’il admirait, dont Christian Bérard, Salvador Dalí ou Alberto Giacometti. En 1935, à l’ouverture de sa galerie rue Saint-Honoré à Paris, Frank présente un triptyque de Bérard, accroché à la manière d’une enseigne et représentant le modèle du vase « lotus » de Giacometti.
Le couple de mécènes Charles et Marie-Laure de Noailles jouent un rôle déterminant dans ces collaborations, eux qui collectionnent Dalí et Bérard et les accrochent dans le décor du célèbre salon fumoir imaginé par Frank dans leur hôtel particulier du XIXe arrondissement parisien.
Jacques Grange réinterprète à la Villa Paloma le décor du salon mythique des Noailles, transformé en galerie de portraits réalisés par Bérard, représentant Marie-Laure de Noailles, l’ami et protecteur Jean Cocteau (1889- 1963), le compagnon Boris Kochno (1904-1990) mais aussi un Tableau pour un bal costumé introduisant au thème du travestissement et du costume de scène.
Une autre fameuse réalisation de Jean-Michel Frank, l’Institut Guerlain des Champs-Élysées abrite une antichambre de velours conçue par Christian Bérard en 1939. L’artiste Nick Mauss, qui nourrit un intérêt tout particulier pour les pratiques transversales du modernisme, a réalisé sous le titre Concern, Crush, Desire une reprise de cette antichambre, que les visiteurs traversent pour accéder à la suite de l’exposition. En reprenant les techniques de Bérard, Nick Mauss entrelace de nouveau les pratiques du dessin, de l’écriture et de la décoration, en suggérant une continuité entre les espaces scénique et domestique.
De nombreux portraits de Christian Bérard dans son intérieur (souvent dans sa chambre, voire dans son lit) font écho aux décors qu’il conçoit pour la scène et le cinéma et expriment son souci d’une certaine mise en scène de soi, et d’une théâtralisation exubérante de l’intime. Deux productions théâtrales de Louis Jouvet, dont Bérard assure la direction artistique, expriment tout particulièrement cette esthétique du « Théâtre de la chambre » : La Folle de Chaillot (1945) et Les Bonnes (1947).
LE MERVEILLEUX
Au deuxième étage sont évoqués quelques-uns des projets de Bérard pour les Ballets russes. Cotillon, créé en 1932 à Monte-Carlo, est exemplaire du travail collaboratif entre Kochno, Balanchine et Bérard, le chorégraphe ayant intégré plusieurs accessoires dessinés par Bérard dans sa chorégraphie. Plusieurs costumes de La Symphonie Fantastique, création de 1936 à Covent Garden, ainsi que les maquettes pour La Septième Symphonie, créée en 1938 aux Ballets russes de Monte- Carlo, ou celles du Songe d’une Nuit d’été, représentation unique donnée chez la Comtesse Pastré à Marseille en 1942, témoignent de l’habileté de Bérard à passer de la peinture à l’art scénographique.
Christian Bérard, Portrait de Gabrielle Chanel, c. 1937
Patrimoine de CHANEL, Paris
© CHANEL/Christian Bérard
Christian Bérard
Robe du soir CHANEL haute couture printemps/été 1937
Paru dans Vogue Paris, juin 1937.
Patrimoine de CHANEL, Paris
© CHANEL/Christian Bérard
À Monaco, Bérard côtoie Gabrielle Chanel dont il réalise plusieurs portraits et dont il dessine les modèles pour les grands magazines de mode. Il est aussi ami de longue date avec Christian Dior, qui lui dédiera un modèle, et suscite l’admiration du tout jeune Yves Saint Laurent. En 1945, au sortir de la guerre, Bérard dirige l’exposition « Le Théâtre de la Mode », qui tournera en Angleterre et aux Etats-Unis. Destinée à promouvoir la couture française, elle présente les modèles de 25 couturiers sur près de 200 mannequins en fil de fer, dans quatorze décors réalisés par des artistes, dont Jean Cocteau, André Beaurepaire ou encore Emilio Terry et Bérard lui-même. Nick Mauss a réalisé spécialement pour l’exposition une installation textile, inspirée du décor d’opéra créé par Christian Bérard.
Comme Bérard et de nombreux artistes, Jean Cocteau éprouve pendant les années de guerre un besoin d’évasion et de rêve. En relisant La Belle et la Bête, le conte de Madame Leprince de Beaumont, il décide de l’adapter au cinéma, laissant la place au merveilleux. Le tournage commence en août 1945 avec Christian Bérard, conseiller artistique, qui allie le style de Vermeer aux gravures de Gustave Doré.
LA MÉDITERRANÉE
En souvenir de ses voyages de jeunesse en Italie, dont les trésors l’impressionnent durablement, Bérard réalise plusieurs décors inspirés de la peinture italienne du Quattrocento : un ensemble de panneaux peints pour le salon des Polignac, un paravent pour l’appartement parisien d’Elsa Schiaparelli, plusieurs tableaux inspirés de compositions de Piero della Francesca ou de Masaccio.
La Grèce antique est une autre source d’inspiration intarissable, que l’on trouve dans les panneaux peints pour l’appartement parisien d’Hélène Anavi, ou encore dans les décors et les costumes de La Machine Infernale (1934), que Jean Cocteau écrit aux alentours de Toulon, entre Saint-Mandrier-sur-Mer et Tamaris, où Bérard passe ses étés dans les années 1930. Bérard atteint à Tamaris un niveau pictural sans pareil. De la fenêtre de sa chambre d’hôtel, il éprouve la lumière méditerranéenne et peint des plages peuplées de petits groupes de personnages, dans lesquels on reconnaît sa propre silhouette. Intérieur et extérieur dialoguent étroitement. En collaboration avec Jean-Michel Frank, il décore le salon de Claire Artaud de paravents figurant des personnages étendus sur de grandes plages monochromes, en souvenir des couleurs de Tamaris.
En 1941, Boris Kochno achète un cabanon dans le quartier des Goudes à Marseille, où Bérard peint les calanques et les enfants du quartier, sous l’objectif du photographe André Ostier.
La riche correspondance de Bérard à Kochno témoigne du choc esthétique ressenti devant ces paysages et de l’importance du thème méditerranéen dans son œuvre.
Nouveau Musée National de Monaco / Villa Paloma
56, boulevard du Jardin Exotique à Monaco
Jusqu’au 16 octobre 2022
Commissaire de l’exposition : Célia Bernasconi
Mise en scène : Jacques Grange
Artiste invité : Nick Mauss
Coordination générale : Emmanuelle Capra, Hortense Hinsinger et l’ensemble de l’équipe du NMNM
EXTRAITS DE LA CHRONOLOGIE
DE CHRISTIAN BÉRARD
établie par Jean Pierre Pastori
20 août 1902 : Naissance de Christian Bérard, enfant unique d’André Bérard, architecte, et de Marthe de Borniol, petite-fille du Comte Henri de Borniol, fondateur de l’entreprise de pompes funèbres du même nom.
Fréquente le lycée Janson-de-Sailly, à Paris.
1920 : Entre à l’Académie Ranson, où enseignent Paul Sérusier, Maurice Denis, Édouard Vuillard et Félix Vallotton. Il a notamment pour camarades Eugene et Leonid Berman, ainsi que Pierre Charbonnier.
1922 : Voyage en Italie avec Leonid Berman (Venise, Florence, Arezzo et Rome). Découvre l’œuvre de Carpaccio, Masaccio, Mantegna et Piero della Francesca.
De novembre 1922 à mai 1924, service militaire dans le 151e régiment d’infanterie, à Mayence, puis à Coblence (Armée du Rhin).
1924 : Séjours à Marseille en compagnie de Leonid Berman, puis à Toulon. Il poursuit sa formation à l’académie Julian. Première exposition de groupe à la galerie Druet, à Paris.
1925 : Séjour sur la Côte d’Azur, à Sainte-Maxime, en compagnie de Leonid Berman, Pierre Charbonnier, Louis Marcoussis, Alice Halicka, René Crevel, dont Bérard peint deux portraits. Premier séjour à l’hôtel Welcome, à Villefranche-sur-Mer, auprès de Jean Cocteau. Exposition de groupe à la galerie Pierre Loeb.
1926 : Exposition de groupe à la galerie Druet avec Pierre Charbonnier, les frères Berman, Pavel Tchelitchev et Kristians Tonny. Le critique Waldemar-George qualifie ces jeunes peintres de « néo-humanistes ». Rencontre Boris Kochno lors d’une visite de Diaghilev à la villa Spontini, le domicile familial. Le directeur des Ballets russes est en quête d’un décorateur-peintre. Mais la peinture alors anti-décorative de Bérard ne lui convient pas. Un premier portrait au fusain de Gabrielle Chanel sera suivi de diverses études à l’encre de Chine, lavis ou aquarelle.
1927 : Exposition personnelle à la galerie Pierre Loeb. L’écrivaine américaine Gertrude Stein compte parmi ses premiers collectionneurs. Elle lui dédiera l’un de ses Dix Portraits, les autres étant consacrés notamment à Picasso, Apollinaire, Tchelitchev et Eugène Berman. Portrait de Jean Desbordes, jeune écrivain protégé de Cocteau.
1928 : Lettre de Jean Cocteau à Marcel Raval, directeur de la revue Les Feuilles libres : Bérard « a lâché les surréalistes pour moi et la bande continue à lui faire mille grâces. C’est, selon moi, le premier peintre qui change l’ordre des choses et le premier rescapé du “modernisme”. »
1929 : Bérard revoit Boris Kochno lors de la grande réception que Gabrielle Chanel donne en l’honneur des Ballets russes. Premier portrait de Kochno.
1930 : Premier décor pour le théâtre : La Voix humaine, de Jean Cocteau, à la Comédie-Française, avec Berthe Bovy. Premier décor pour le ballet : La Nuit (livret Kochno, musique Sauguet, chorégraphie Lifar) avec Lifar et Nikitina ; d’abord à Manchester, puis à Londres.
Expositions à la galerie Vignon et à la galerie Jacques Bonjean (co-dirigée par Christian Dior).
Bal blanc organisé par la comtesse Pecci-Blunt. Bérard et Kochno participent à l’entrée dite du Réveil d’Ariane aux côtés de Marie-Laure de Noailles, de Marie-Louise Bousquet (Harper’s Bazaar) et du décorateur Jean-Michel Frank. À la demande de ce dernier, il peint deux panneaux pour la péniche des Noailles.
1931 : Exposition de dessins à la galerie Bonjean. Expositions collectives chez Pierre Colle et au Wadsworth Atheneum (Hartford, USA). Été passé à Tamaris, près du dramaturge Édouard Bourdet et de son épouse Denise ; puis à Toulon avec Cocteau et Jean Desbordes.
1932 : À Monaco, premier programme des Ballets russes de Monte-Carlo dont Boris Kochno est le conseiller artistique avec, notamment, Cotillon (livret Kochno, musique Chabrier, décors et costumes Bérard, chorégraphie Balanchine).
À Hyères, Festival du vicomte de Noailles avec des créations de Markevitch, Auric, Sauguet, Poulenc et Max Jacob, Buñuel et Giacometti. Bérard décore le hall du théâtre et dessine des costumes. Cocteau se charge, lui, de la couverture du programme.
Exposition personnelle à la galerie Pierre Colle. On y voit notamment le portrait du galeriste. Articles dans Vogue, Vu, Formes. Avec Cocteau, décoration de la loggia de la Villa blanche des Bourdet, à Tamaris. Bérard réalise au fusain et à la sanguine un Œdipe et le Sphinx, décor mural pour l’appartement de Cocteau.
En novembre, exposition « Bijoux de Diamants » de Gabrielle Chanel, dans l’appartement privé de la couturière, rue du Faubourg-Saint-Honoré. Les créations sont présentées sur des bustes de cire posés sur des colonnes que Bérard, qui excelle dans l’art du trompe-l’œil, transforme en marbre…
1933 : Mozartiana, avec les Ballets 1933, codirigés par Kochno et Balanchine (chorégraphie Balanchine, décors et costumes Bérard). Commande d’un ensemble de peintures murales pour la salle à manger de Jean et Marie-Blanche de Polignac, dans l’esprit de la Renaissance italienne.
1934 : Première collaboration (décors et costumes) avec Louis Jouvet, sur l’insistance de Cocteau, pour La Machine infernale, à la Comédie des Champs-Élysées. Premières illustrations de mode (Rochas, Schiaparelli) à l’intention du magazine américain Harper’s Bazaar. Séjours à Lunel (près de Montpellier) chez Jean Hugo et à Montredon (Marseille) chez la comtesse Pastré. À la galerie Étienne Bignou, dernière exposition de ses œuvres picturales présentée à Paris de son vivant.
1935 : Contrat avec Vogue (Condé Nast), le concurrent de Harper’s Bazaar (Hearst). Il fera très souvent la couverture du magazine. Bal des tableaux célèbres organisé par Étienne et Édith de Beaumont. Bérard est costumé en serveur dans le tableau La Danse à Bougival, d’après Renoir, aux côtés du couple Polignac. Le critique américain James Thrall Soby tient Sur la plage, le double autoportrait réalisé à Tamaris (aujourd’hui au MoMA), pour « l’une des peintures les plus importantes produites jusqu’ici par la génération d’après Picasso. » Margot, d’Édouard Bourdet, à Marigny (mise en scène Pierre Fresnay, musique Auric et Poulenc, décors et costumes Bérard), avec Yvonne Printemps et Pierre Fresnay.
1936 : Bal des tableaux vivants chez les Beaumont. Avec Boris Kochno, installation 2, rue Casimir-Delavigne, près de l’Odéon. Par périodes, il continue de dormir au First hôtel. Symphonie fantastique, Ballets russes du colonel de Basil (musique Berlioz, chorégraphie Massine, décors et costumes Bérard), avec Toumanova et Massine. L’École des femmes, de Molière, à l’Athénée (mise en scène Louis Jouvet, musique Vittorio Rietti, décors et costumes Bérard), avec Madeleine Ozeray et Louis Jouvet.
Christian Bérard, Vue d’intérieur – appartement de la rue Casimir- Delavigne, c. 1936
Crayon graphite, aquarelle, encre et gouache sur papier vélin
Collection NMNM, n° 1991.4.48
Ancienne collection Boris Kochno – photo : NMNM/Marcel Loli
1937 : L’Illusion comique, de Corneille, à la Comédie-Française, désormais dirigée par Bourdet (mise en scène Louis Jouvet, musique Rietti, décors et costumes Bérard), avec Lise Delamare, Pierre Dux, Aimé Clariond. Décoration du restaurant flottant La Pampa du pavillon argentin de l’Exposition internationale des arts et des techniques. Georges Dandin, de Molière, à la Comédie-Française (mise en scène Charles Dullin, décors Louis Süe, costumes Bérard), avec Fernand Ledoux et Madeleine Renaud
1938 : Le Corsaire, de Marcel Achard, à l’Athénée (mise en scène Louis Jouvet, musique Rietti, décors et costumes Bérard avec la collaboration de Guillaume Monin), avec Madeleine Ozeray et Louis Jouvet. Les Elfes, Ballets de Monte-Carlo de René Blum (chorégraphie Fokine, musique Mendelssohn, costumes Bérard). La Septième Symphonie, Ballets de Monte-Carlo de René Blum (chorégraphie Massine, musique Beethoven, décors et costumes Bérard), avec Markova, Franklin, Youskevitch.
Soigne son addiction à l’opium dans une clinique de Saint-Mandé.
Cyrano de Bergerac, d’Edmond Rostand, à la Comédie-Française (mise en scène Dux, décors et costumes Bérard), avec Marie Bell, Maurice Escande. « Mon plus grand triomphe » (lettre à Kochno). Premier séjour à La Pausa, la propriété de Gabrielle Chanel, à Roquebrune-Cap-Martin.
1939 : Décoration de l’Institut Guerlain, sur les Champs-Élysées, avec Jean-Michel Frank. Surmené, il renonce tardivement à Ondine, de Giraudoux, dont Jouvet lui demande les décors et les costumes. C’est Pavel Tchelitchev, son grand rival, qui le remplace. Bal du tricentenaire de Racine chez les Beaumont. Il apparaît en grand vizir enturbanné dans l’entrée de Bajazet. Bal de la forêt organisé à Ermenonville par le photographe André Durst. Kochno est le Grand Méchant Loup, Bérard le Chaperon rouge.
1939 : Avant d’être mobilisé dans l’infanterie à Mayenne, il dessine pour Vogue des accessoires de mode (masque à gaz, torche électrique, tenue pour le vélo…). Nouvelle cure de désintoxication à Saint-Mandé.
« Présente encore des troubles nerveux caractérisés par des vertiges, insomnies et troubles de la parole » (rapport médical). La 2e commission de réforme de la Seine le libère de ses obligations militaires.
1940 : Les Monstres sacrés, de Jean Cocteau, au théâtre Michel (mise en scène André Brulé, décors Bérard), avec Yvonne de Bray. Le Bel Indifférent, monologue de Jean Cocteau, aux Bouffes Parisiens (décors Bérard), avec Édith Piaf et Paul Meurisse.
Kochno, engagé volontaire dans l’armée française, attend deux mois son enrôlement dans un régiment d’artillerie cantonné à Draguignan. L’armistice lui permet de se réfugier avec Bérard à Lunel, chez Jean Hugo. Avec quelques rares séjours à Paris, le couple passera les quatre années d’Occupation entre Lunel et Marseille (comtesse Pastré).
1941 : Collaboration épisodique au magazine suisse alémanique Annabelle de Manuel Gasser (Vogue Paris ne paraît plus). Boris Kochno, sur le conseil de Lily Pastré, découvre le village des Goudes, dans les calanques marseillaises. Bérard est subjugué à son tour par la beauté du paysage qu’il peindra à de multiples reprises.
27 juillet 1942 : Unique représentation du Songe d’une nuit d’été, de Shakespeare, dans le parc du château de la comtesse Pastré à Montredon (mise en scène Jean Wall, musique Jacques Ibert, direction Manuel Rosenthal, costumes Bérard). Exposition de dessins et aquarelles à Zurich. Électre, de Giraudoux, à Lyon (mise en scène Jean Vernier).
1943 : À Montredon, la comtesse Pastré trouve Bérard « nerveux, angoissé, agité… ». Kochno fait l’acquisition d’un cabanon aux Goudes. Début d’une amitié entre Jean Genet, Boris Kochno et Christian Bérard. Renaud et Armide, de Jean Cocteau, à la Comédie-Française (mise en scène de l’auteur, décors et costumes Bérard, éclairages Kochno), avec Marie Bell, Mary Marquet, Maurice Escande.
Robes d’Arletty dans Voulez-vous jouer avec moâ ?, de Marcel Achard, aux Bouffes Parisiens (mise en scène Pierre Brasseur). Sodome et Gomorrhe, de Jean Giraudoux, à Hébertot (mise en scène Georges Douking, musique Honegger, décors et costumes Bérard, éclairages Kochno), avec Edwige Feuillère, Gérard Philippe, François Chaumette. Selon Cocteau, Giraudoux « refuse tout autre décorateur, et il a raison. Bérard est le seul. »
1944 : La Jeune Fille endormie, de et avec Janine Charrat et Roland Petit, Salle Pleyel (musique Liszt, costumes Bérard, éclairages Kochno). Charles de Noailles lui passe commande d’un portrait de sa fille. Il le livrera en janvier 1947 !
1945 : Couverture du numéro spécial « Libération » de Vogue (15 mars), tiré à 8 000 exemplaires. Les Forains, au théâtre des Champs-Élysées (livret Kochno, musique Sauguet, chorégraphie Roland Petit, décors et costumes Bérard), avec Nina Vyroubova et Roland Petit. Théâtre de la mode, au Pavillon de Marsan (Louvre), exposition organisée par la Chambre syndicale de la couture parisienne, décor d’ensemble de Bérard, éclairages de Kochno, avec la participation de 35 couturiers et de 25 modistes. Sous le titre The Fantasy of Fashion, cette exposition destinée à remettre en valeur la création parisienne « tourne » à Londres, Leeds, Barcelone, Copenhague, Stockholm, Vienne, New York…
La Folle de Chaillot, de Jean Giraudoux, à l’Athénée (mise en scène Jouvet, musique Sauguet, décors et costumes Bérard secondé par Pierre Balmain), avec Marguerite Moreno, Raymone, Louis Jouvet.
1946 : Nouvelle cure de désintoxication à Saint-Mandé.
Film La Belle et la Bête, de Jean Cocteau, d’après le conte de Madame Leprince de Beaumont (musique Auric, direction artistique Bérard). Voyage à New York pour accompagner le Théâtre de la mode. Il rencontre la couturière Valentina, Natalie Paley, Greta Garbo…
Bal La Nuit des masques, au Pré Catelan. Coiffures et masques.
Bal des petits lits blancs, Opéra de Paris. Accessoires destinés aux débutantes.
La Sylphide, au théâtre des Champs-Élysées (musique Schneitzhoeffer, chorégraphie Gsovsky d’après Taglioni, décors Serebriakoff, costumes Bérard), avec Irene Skorik, Roland Petit.
L’Aigle à deux têtes, de Jean Cocteau, à Hébertot – après Bruxelles et Lyon – (mise en scène Cocteau, musique Auric, décors André Beaurepaire, costumes Bérard), avec Edwige Feuillère, Silvia Monfort, Jean Marais.
1947 : Surmené, Bérard renonce aux Mamelles de Tirésias de son ami Poulenc. Orson Welles et la New York Theatre Guild lui demandent de collaborer à la nouvelle pièce musicale de Thornton Wilder. Les Bonnes, de Jean Genet, à l’Athénée (mise en scène Jouvet, décors Bérard, robes Lanvin), avec Monique Mélinand, Yvette Étiévant, Yolande Laffon. Bal du panache, Maison de l’Amérique latine. Il en imagine le décor.
Amphitryon, de Molière, à Marigny (mise en scène Barrault, musique Poulenc, décors et costumes Bérard), avec Madeleine Renaud, Jean-Louis Barrault, Éléonore Hirt, Simone Valère, Jean Desailly.
Au même programme : La Fontaine de Jouvence, pantomime de Kochno (mise en scène Barrault, musique Auric, décors et costumes Bérard), avec Madeleine Renaud, Jean-Louis Barrault, Marcel Marceau.
Dom Juan, de Molière, à l’Athénée (mise en scène Jouvet, musique Sauguet, décors et costumes Bérard), avec Andrée Clément, Dominique Blanchar, Yvette Étiévant, Louis Jouvet.
1948 : Arrestation pour consommation de stupéfiants. Nouvelle cure à Saint-Mandé.
Thérèse Raquin, de Marcelle Maurette, d’après Zola, au théâtre du Gymnase (mise en scène Jean Meyer, décors et costumes Bérard), avec Marie Bell, Jean Chevrier.
Bien que sous contrat avec Vogue, Bérard dessine des motifs pour travaux d’aiguilles dans Harper’s Bazaar de juin 1948.
Clock Symphony, Sadler’s Wells Ballet, Londres (musique Haydn, chorégraphie Massine, décors et costumes Bérard), avec Moira Shearer et Alexander Grant.
La Rencontre ou Œdipe et le Sphinx, Ballet des Champs-Élysées (livret Kochno, musique Sauguet, chorégraphie Lichine, décors et costumes Bérard), avec Leslie Caron et Jean Babilée.
Partage de midi, de Paul Claudel, à Marigny (mise en scène Barrault, décors Labisse, costumes Bérard), avec Edwige Feuillère, Jean-Louis Barrault, Pierre Brasseur.
1949 : Bal des rois et des reines organisé par les Beaumont. Bérard y prend part, costumé en Henri VIII. « La magnificence de ce costume rendait encore plus évidente la grande mélancolie de son visage. » (Kochno)
12 février : Décès de Christian Bérard au théâtre Marigny pendant la présentation de son décor des Fourberies de Scapin, de Molière (mise en scène Jouvet, pour la compagnie Renaud-Barrault). Officiellement, il est mort à son domicile, rue Casimir-Delavigne.
15 février : Obsèques en l’église Saint-Sulpice. Tout Paris y assiste.
Dans Vogue, hommage à Christian Bérard avec témoignages de Colette, Cocteau, Jouvet, Barrault, Sauguet…
1950 : Palais de Chaillot, Musée national d’art moderne : Rétrospective Bérard. Elle est présentée ensuite à Londres sous les auspices du Arts Council of Great Britain, puis à Boston, Dallas, San Francisco, Santa Barbara, Colorado Springs et New York.
Labyrinthe, numéro spécial consacré à Bérard, textes de Kochno, Cocteau, Jouhandeau, Sauguet, Marie-Laure de Noailles.
1951 : Au fil des ans, les galeries parisiennes Lucie Weill (à 17 reprises) et Proscenium exposent régulièrement Bérard. Puis, c’est notamment la galerie Albert Loeb (1983), la galerie du Passage (1993), Rainbow Fine Art, à New York (1998), Artheme Galerie (2010), Le Dieu bleu (2012).
S’agissant des institutions : le musée de Nancy (1966), le musée Cantini, à Marseille (1973), le Palazzo Racani Arroni, a Spolete (1987), le Musée d’art moderne de Troyes (2002), le Musée Richard Anacréon à Granville (2011), la Maison Cocteau, à Milly-la-Forêt (2013), le Palais Lumière d’Évian et le Nouveau Musée National de Monaco (2022).
Mention obligatoire : © espritdegabrielle.com
Crédits photos : © NMNM – Nouveau Musée National de Monaco
En savoir plus au sujet EXPOSITIONS
CHANEL SOUTIENT L’EXPOSITION “TARSILA DO AMARAL – PEINDRE LE BRÉSIL MODERNE”
EXPOSITION "TARSILA DO AMARAL" Figure centrale du renouveau artistique du début du XXe siècle, Tarsila do Amaral (1886-1973) est l’une des …
L’EXPOSITION “GABRIELLE CHANEL. FASHION MANIFESTO” FAIT ESCALE À SHANGHAI
L’exposition Gabrielle Chanel. Fashion Manifesto fait escale à la Power Station of Art de Shanghai, marquant une étape importante dans sa …
AZZEDINE ALAÏA, COUTURIER COLLECTIONNEUR DE GABRIELLE CHANEL
« Depuis de nombreuses années, j’achète et je reçois les robes, les manteaux, les vestes qui témoignent de la grande …
1 Comment
C’est saisissant. Bérard a influencé tant d’artistes qu’il est difficile de les nommer tous. Cette exposition est tout simplement époustouflante. Merci d’en avoir fait un article si complet, qui donne vraiment envie de s’y rendre.