EXPOSITION “TARSILA DO AMARAL”
Figure centrale du renouveau artistique du début du XXe siècle, Tarsila do Amaral (1886-1973) est l’une des artistes les plus réputés du Brésil.
Contemporaine exacte de Gabrielle Chanel, Tarsila do Amaral se fait connaître grâce à son audace, à sa créativité et à sa vision unique de la peinture. Dès les années 1920, l’artiste crée une œuvre originale, liée aux mouvements brésiliens Pau-Brasil, moderniste et anthropophage, ainsi qu’au cubisme et aux avant-gardes parisiennes du début du siècle. Son œuvre des années 1930 à 1960 évoque, quant à elle, les dimensions à la fois politique, militante et spirituelle de l’artiste.
Placée sous le commissariat de Cecilia Braschi, l’exposition dédiée à l’artiste est présentée au Musée du Luxembourg, à Paris, du 9 octobre 2024 au 2 février 2025, et a pour dessein de faire connaître cette peintre pionnière. Si Tarsila do Amaral a été mise à l’honneur largement dans son pays d’origine, le Brésil, rares sont les expositions qui lui ont été consacrées à l’étranger. En France, cette rétrospective souhaite combler ce manque, à l’heure où le Brésil occupe une place de plus en plus importante dans les discours critiques et historiographiques internationaux et où les femmes artistes obtiennent davantage la visibilité
qu’elles méritent.
CHANEL soutient cette exposition qui témoigne de l’engagement de la Maison en faveur des femmes artistes, et qui permettra au public de découvrir le rôle primordial qu’elles ont joué dans le développement des grands mouvements artistiques.
TARSILA DO AMARAL, UNE ARTISTE ENTRE DEUX MONDES
L’exposition de Tarsila do Amaral au Musée du Luxembourg, organisée avec le Musée Guggenheim de Bilbao, nous invite à découvrir l’œuvre foisonnante de cette pionnière du modernisme brésilien. Figure centrale du mouvement, Amaral a su, dès les années 1920, s’approprier les influences européennes pour en faire un langage unique, proprement brésilien. Cette rétrospective est une occasion rare de voir près de 150 œuvres réunies, mettant en lumière un parcours artistique qui, tout en questionnant l’identité nationale, traverse les thématiques de l’émancipation, des luttes sociales, et des contradictions du Brésil de l’époque.
Auto-retrato (Manteau rouge) [Autoportrait (Manteau rouge)]
1923 – Huile sur toile – 73 x 60,5 cm
Museu Nacional de Belas Artes, Rio de Janeiro
© Museu Nacional de Belas Artes/Ibram, Rio de Janeiro / photo Jaime Acioli
© Tarsila do Amaral Licenciamento e Empreendimentos S.A
ENTRE PARIS ET SÃO PAULO, UN PARCOURS COSMOPOLITE
Née dans une famille de grands propriétaires terriens de São Paulo, Tarsila grandit dans un milieu où la culture française était très présente, de la langue à la littérature. En 1920, elle effectue son premier voyage à Paris pour étudier la peinture. C’est là qu’elle découvre les avant-gardes européennes, notamment le cubisme, qui marque profondément son style. Mais sa démarche va bien au-delà d’une simple appropriation : elle envisage Paris non comme une destination finale, mais comme un lieu d’inspiration pour revisiter et redéfinir ses racines brésiliennes.
L’influence des avant-gardes européennes
Dans les académies parisiennes, Tarsila s’initie aux formes nouvelles de la peinture moderne, aux côtés d’artistes comme Fernand Léger et Albert Gleizes. Elle intègre le cubisme, non pas pour reproduire ses codes, mais pour « libérer » sa propre créativité. Elle considère cette « école d’invention » comme un moyen de dépasser les conventions académiques et de puiser dans un langage visuel plus libre, qui s’affranchit des contraintes mimétiques.
Carnaval em Madureira [Carnaval à Madureira]
1924 – Huile sur toile – 76 x 63,5 cm
Fundação José e Paulina Nemirovsky, São Paulo, en dépôt à la Pinacoteca do Estado de São Paulo
© Pinacoteca de São Paulo, / photo Isabella Matheus
© Tarsila do Amaral Licenciamento e Empreendimentos S.A
PAU-BRASIL ET ANTHROPOPHAGIE : UN RETOUR AUX RACINES POUR UNE VISION MODERNE
En 1923, de retour au Brésil après un séjour fructueux à Paris, Tarsila rencontre des intellectuels brésiliens comme Oswald de Andrade, qui deviendra son compagnon. Ensemble, ils fondent le mouvement Pau-Brasil, prônant un art inspiré des éléments naturels et des cultures locales du Brésil. Cette démarche s’intensifie avec la création du mouvement Anthropophagie en 1928, avec son célèbre tableau Abaporu en point de départ. Le concept d’« anthropophagie » s’appuie sur l’idée de « dévoration culturelle » : assimiler les cultures étrangères pour les transformer, un processus symbolique de résistance et de re-création d’une identité brésilienne libre de l’influence coloniale.
Abaporu : un manifeste pictural
La peinture Abaporu, représentant une figure humaine allongée avec des membres disproportionnés, devient rapidement l’icône du mouvement anthropophage. Cette œuvre marque un tournant en introduisant un langage pictural basé sur des formes simplifiées et sur un usage audacieux de la couleur. Les critiques de l’époque interprètent cette figure comme une représentation des forces latentes du Brésil, entre la terre et l’esprit, unifiant les cultures indigènes, africaines et portugaises.
Abaporu V
1928 – Encre de Chine sur papier – 24,5 x 18,5 cm
Collection particulière © Photo Romulo Fialdini
© Tarsila do Amaral Licenciamento e Empreendimentos S.A
IDENTITÉ ET PRIMITIVISME : ENTRE EXOTISME ET REPRÉSENTATION CULTURELLE
L’œuvre de Tarsila, bien qu’influencée par des courants comme le primitivisme, est également nourrie de sa volonté de dépeindre un Brésil authentique, complexe et multiculturel. Elle réalise des tableaux emblématiques tels que A Negra et Caipirinha, où elle représente des scènes de la vie brésilienne idéalisées, avec une sensibilité visuelle qui, bien que parfois teintée de stéréotypes, cherche à capturer la singularité du Brésil à l’étranger.
Caipirinha [Petite caipira]
1923 – Huile sur toile – 64 x 81 cm
Collection particulière © Photo Ding Musa
© Tarsila do Amaral Licenciamento e Empreendimentos S.A
A Negra : l’ambiguïté d’une représentation
Dans A Negra, Tarsila peint une figure afro-brésilienne imposante, dans une posture frontale et dépouillée. Ce tableau soulève des questions sur la perception de l’identité afro-brésilienne, dans un Brésil qui, bien que libre de l’esclavage, reste profondément inégalitaire. A Negra est à la fois une célébration de la culture noire et une critique des stéréotypes raciaux, notamment lorsqu’elle expose ce tableau en France, où l’exotisme brésilien était souvent idéalisé et mal compris.
A Negra [La négresse]
1923 – Huile sur toile – 100 x 81,3 cm
Museu de Arte Contemporânea da Universidade de
São Paulo, donation du Museu de Arte Moderna de São Paulo
© Photo Romulo Fialdini
© Tarsila do Amaral Licenciamento e Empreendimentos S.A
LE BRÉSIL SOCIAL : RÉALISME ET ENGAGEMENT POLITIQUE
La crise de 1929 et les conséquences sociales qu’elle entraîne au Brésil marquent une transition dans l’œuvre de Tarsila, qui adopte un ton plus engagé et réaliste. Ayant traversé des épreuves personnelles, elle commence à intégrer des éléments de critique sociale dans ses œuvres. Elle voyage en URSS en 1931 et découvre le réalisme socialiste, qui influencera des œuvres marquées par la représentation de la classe ouvrière, comme Operários.
Operários : hommage aux travailleurs
Dans Operários, Tarsila crée une fresque des visages de travailleurs, représentant la diversité ethnique du Brésil. Ce tableau est une affirmation de l’unité nationale et de l’inclusivité, malgré les défis sociaux de l’époque. En associant différents traits culturels et en rendant hommage aux contributions des classes populaires, Tarsila exprime son attachement à un idéal de justice sociale qui la place dans une démarche militante, rare pour une artiste de son milieu et de son époque.
Operários [Ouvriers]
1933 – Huile sur toile – 150 x 205 cm
Acervo Artístico-Cultural dos Palácios do Governo do Estado de São Paulo
© Artistic-Cultural Collection of the Governmental Palaces of the State of São Paulo /
photo Romulo Fialdini
© Tarsila do Amaral Licenciamento e Empreendimentos S.A
LA SCÉNOGRAPHIE ÉCO-RESPONSABLE DE L’EXPOSITION
L’exposition de Tarsila do Amaral au Musée du Luxembourg présente une scénographie innovante et durable, réalisée dans une démarche d’éco-conception. Les matériaux utilisés, issus de réemplois et de matériaux recyclés, ajoutent une dimension éthique au parcours. L’espace est sobre et ponctué de couleurs vives, créant un dialogue avec l’univers chromatique de Tarsila. Cette approche favorise une immersion respectueuse de l’environnement, tout en soulignant les contrastes et les nuances de son art.
A Cuca [La Cuca]
1924 – Huile sur toile – 60,5 x 72,5 cm
Centre national des arts plastiques, Paris en dépôt au musée de Grenoble
© Ville de Grenoble – Musée de Grenoble / photo J.L. Lacroix
© Tarsila do Amaral Licenciamento e Empreendimentos S.A
HÉRITAGE ET RÉÉVALUATION : TARSILA ET LES ENJEUX CONTEMPORAINS
L’œuvre de Tarsila do Amaral soulève des questions qui résonnent avec les débats actuels sur le décolonialisme et la redéfinition de l’identité nationale. En abordant des thèmes universels tout en ancrant son art dans le Brésil, Tarsila anticipe des problématiques contemporaines. Son travail nous invite à redéfinir les frontières entre centre et périphérie, et à questionner les rapports de pouvoir dans le monde de l’art.
Une icône féminine de l’émancipation artistique
Tarsila est également reconnue comme une figure féminine de l’émancipation dans le monde de l’art. Issue d’un milieu conservateur, elle a su imposer sa vision, et ses alliances avec des intellectuels influents ont facilité sa reconnaissance en tant qu’artiste. Cependant, sa carrière reste marquée par les défis liés au statut des femmes dans l’art. L’exposition au Musée du Luxembourg rend hommage à cette pionnière, rappelant que son influence se poursuit, particulièrement au Brésil, où des générations d’artistes féminines continuent de puiser dans son héritage.
A Feira I [Le marché I]
1924 – Huile sur toile – 60,8 x 73,1 cm
Collection particulière
© Photo Romulo Fialdini
© Tarsila do Amaral Licenciamento e Empreendimentos S.A
UN VOYAGE AU CŒUR DU BRÉSIL MODERNE
L’exposition de Tarsila do Amaral au Musée du Luxembourg est bien plus qu’une simple rétrospective. Elle nous plonge dans un dialogue intense entre l’histoire et la modernité, le Brésil et l’Europe, l’idéalisme et la réalité. En traversant ces salles, le visiteur est transporté dans l’univers riche et coloré d’une artiste qui, tout en explorant ses racines, a su développer un langage universel. L’invitation de Tarsila à « peindre le Brésil moderne » résonne aujourd’hui avec une nouvelle acuité, rappelant l’importance de questionner notre histoire et de réinventer notre futur.
Commissariat général : Cecilia Braschi, Docteure en histoire de l’art et commissaire d’exposition indépendante
Scénographie : Véronique Dollfus
Signalétique : Atelier JBL – Claire Boitel
Lumière : Abraxas Concepts
Musée du Luxembourg
19 rue Vaugirard, Paris 6
tous les jours de 10h30 à 19h00
nocturne les lundis jusqu’à 22h
Mention obligatoire : © espritdegabrielle.com
Crédit photo couverture : Cartão-postal [Carte postale] – 1929 – Huile sur toile – 127,5 x 142,5 cm
Collection particulière © Collection particulière, Rio de Janeiro / Photo Jaime Acioli © Tarsila do Amaral Licenciamento e Empreendimentos S.A
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