Lire, pour s’échapper. Enfant, Gabrielle Chanel dévore les romans feuilleton, et rêve d’un destin d’héroïne.
Lire, pour voyager plus loin dans les textes sacrés et les grands mythes que lui fait découvrir son grand amour Boy Capel.
Lire, pour s’instruire en autodidacte et s’ouvrir aux grands classiques de la littérature française, russe et anglaise.
Lire, pour nourrir son imaginaire avec la poésie : Éluard, Baudelaire, Apollinaire…
Lire, pour célébrer le génie de son amour, son ami, le poète Pierre Reverdy dont elle conserve les manuscrits.
Lire, pour aimer plus encore ses amis Jean Cocteau, Paul Morand, Colette, Radiguet, Max Jacob. Echanger des mots d’esprits.
Lire, pour financer sans qu’ils le sachent les auteurs qu’elle admire.
Lire, pour sublimer les livres, reliés comme si elle les habillait, dans la palette de ses couleurs : fauve, beige, noir, rouge, doré…
Lire, pour se ressourcer… dans son jardin de La Pausa, au Ritz ou chez elle rue Cambon.
Lire, et refuser d’écrire son autobiographie. Mais rédiger des maximes à la manière de La Bruyère, comme autant de leçons de vie et d’élégance.
Lire, et choisir qui imposera à la postérité la trace qu’elle veut laisser. Gabrielle confie à Paul Morand, Louise de Vilmorin ou Michel Déon le soin d’écrire sa légende.
Lire, et devenir à son tour une figure littéraire. Plus de 150 fictions, biographies ou livres d’art lui sont consacrés, traduits dans toutes les langues.
C’est le fabuleux roman d’une héroïne de son siècle… Signé Chanel.
GABRIELLE CHANEL ET LA LITTÉRATURE
Si Gabrielle Chanel fut particulièrement attentive à l’évolution des pratiques artistiques modernes, la littérature occupe une place à part dans l’univers culturel qui est le sien. Et, pour celle qui confiait à son ami Paul Morand avoir grandi, vécu et vieilli seule (1), l’expérience littéraire est bien plus qu’un simple divertissement. Lire est d’abord un besoin ! Une nécessité intérieure qui s’origine dans l’enfance, et lui permet d’échapper à la douleur de la disparition prématurée d’une mère, et à celle de l’abandon d’un père, qu’elle ne reverra jamais.
Au seuil de l’adolescence, la compagnie des livres est devenue l’instrument d’une réparation, d’une évasion. Gabrielle Chanel se rêve à travers ses lectures, fantasme une jeunesse dont on la prive et fuit le réel de sa condition. Les catalogues, les livres et les romans feuilletons qu’elle rassemble sont une école de vie. Une instruction, qu’elle s’offre en autodidacte et qui déterminera bientôt son caractère, son tempérament, son rapport aux autres et au monde.
Lire, pour structurer son esprit, devient l’un des fondamentaux de sa personnalité. Cette idée, Gabrielle Chanel la partagera bientôt avec l’homme de sa vie. Guidant ses pas dans l’espace littéraire, Boy Capel lui fera découvrir les grands textes philosophiques et sacrés. De Voltaire à Nietzsche, en passant par la Bhagavad-Gita (2), Gabrielle élargit ses horizons. Alors que sa renommée passe les frontières, le livre, pour elle, met le monde à portée de main. En quelques années, elle est devenue la praticienne accomplie de ce « voyage immobile » que promet la lecture, à laquelle elle s’adonne quotidiennement et dans les livres, découvre l’Asie, la Perse ou l’Égypte dont les arts marqueront ses créations.
Saisir l’histoire du monde dans sa globalité et le présent dans sa vitesse, son mouvement, c’est aussi le défi qui, à partir des années 1920, la rapproche des artistes qui peuplent désormais son entourage. Ensemble, ils parlent le « même monde » ! Gabrielle les écoute, les soutient et partage leurs combats. Autour d’elle, la communauté des auteurs s’agrandit. Les amitiés se nouent avec Colette, Paul Morand, Jean Cocteau, Raymond Radiguet, Joseph Kessel, Marthe Bibesco, Michel Déon… Ceux dont les audaces réinventent la langue, comme Gabrielle réinvente la mode.
Femme moderne, Gabrielle Chanel « hiérarchise » et, au sommet de l’édifice littéraire, place la poésie. L’épreuve du style la plus accomplie, sur laquelle ses amis Max Jacob, Iliazd ou Paul Eluard se risquent au quotidien. Si la poésie est, à ses yeux, un art majeur, c’est aussi l’expérience ultime de la beauté. Le lieu d’un sacrifice aussi. Celui de l’amour inconditionnel qu’elle voue au poète Pierre Reverdy qu’elle soutiendra toute sa vie en faisant publier ses écrits et dont elle gardera jalousement les manuscrits sur les rayonnages de sa bibliothèque.
Au fil des années, les livres de poésie, les romans, les pièces de théâtre, les essais et livres d’art ont fini par recouvrir les murs du salon et du bureau de la rue Cambon. Comme une barrière protectrice, ils préservent l’intimité du lieu du chaos du monde et lui donnent sa structure, son rythme, ses couleurs, et finalement son sens. Lieu de vie et de repos, d’inspiration et de ressourcement, le salon est aussi un espace de rencontres et d’échanges. Gabrielle qui n’a pas le goût de la possession, prête ses livres aussi facilement qu’elle les donne. Bibliophile avertie, ils sont pour elle des objets qui font autorité, des objets précieux que l’on préserve avec soin dans des reliures raffinées, réalisées par Germaine Schroeder (3) (1889-1983) et qui, plus que les tableaux, s’exposent comme des objets d’art.
Au sommet de sa gloire, Gabrielle Chanel éprouve le besoin de fixer dans l’éternité du verbe son destin romanesque. Rue Cambon, les auteurs se succèdent. Gabrielle déploie devant eux le récit d’une vie qui mêle à la réalité, une part d’invention. Intuitive, elle sait que la vérité d’un être – en littérature, comme dans la vie – tient moins à l’objectivité des faits, qu’à la manière dont il les raconte. En gardant le silence sur certains pans de son existence, Gabrielle reste insaisissable pour se prouver qu’elle est libre, mais pose les jalons d’un mythe sur lequel le XXIe siècle n’a pas fini de se construire. Et, si sa destinée hors du commun se plie, désormais, à tous les genres littéraires, Gabrielle Chanel conserve pour jamais son mystère.
Une certitude demeure : la place qui lui revient dans l’histoire de la littérature, et que Roland Barthes (4) lui reconnaît en l’installant aux côtés d’un producteur de maximes, comme La Rochefoucauld. Si Gabrielle est une femme de lettres, son œuvre est du côté de l’oralité. Dans les maximes qu’elle nous lègue, et sème sur nos chemins comme autant de pierres précieuses, dont le scintillement guide nos pas vers l’avenir.
(1) Paul Morand, L’Allure de Chanel, 1976, Hermann
(2) Rédigé entre le Ve et Ier siècle av. J.C., ce texte est l’un des écrits fondamentaux de l’hindouisme
(3) Active entre 1913 et 1936, Germaine Schroeder fut l’une des plus audacieuses praticiennes de la reliure d’art en France et, dès le milieu des années 1920, orna ses créations de motifs Art Déco
(4) Roland Barthes, « Le match Chanel Courrèges arbitré par un philosophe » in Marie-Claire, septembre 1967, pp.42-43
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Crédits photos : © CHANEL
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