INSIDE CHANEL, épisode 29 : Gabrielle Chanel et la danse

Temps de lecture : 7 minutes

GABRIELLE CHANEL ET LA DANSE

La danse est une évidence
Pour Gabrielle Chanel, c’est la sublimation du mouvement qu’elle impose dans la mode.
Jeune couturière, elle va jusqu’à suivre les cours des danseuses légendaires Caryathis et Isadora Duncan.

La danse est une révélation
A Paris, quand elle découvre les Ballets russes en compagnie de Boy Capel.
A Venise, quand Misia lui présente Serge Diaghilev, éblouissant producteur de cette troupe d’avant-garde.

La danse est une chance
Diaghilev se veut le chantre d’un art total. Il fait entrer dans la danse, la musique, la poésie, la peinture et la mode.
Gabrielle devient son amie, sa costumière, sa mécène.
Et son nom, associé à Cocteau, Picasso, Braque, Stravinsky, Nijinsky, Satie ou Debussy.

La danse est une audace
Après avoir libéré les femmes des corsets, elle libère avec les Ballets russes les artistes des costumes qui les entravent.
Grâce à elle pour la première fois, en 1924, le public découvre des danseurs en maillots de bain,
tenues de tennis ou de golf, dans le Train bleu mis en scène par Cocteau.

La danse est une épreuve
Diaghilev meurt à Venise le jour de l’anniversaire de Gabrielle.
Elle accourt à son chevet, finance les obsèques et accompagne son dernier voyage à travers la lagune.

La danse est une fidélité
Jusqu’à la fin de sa vie, Gabrielle est restée l’amie intime du danseur étoile Serge Lifar
qui la considérait comme sa marraine artistique.

La danse reste une tradition
CHANEL perpétue l’héritage de Coco en devenant un mécène de l’Opéra National de Paris
et en soutenant des ballets prestigieux partout dans le monde.

À l’épicentre de l’Avant-Garde, entourée d’un cercle d’amis réunissant les plus grands artistes de son temps, Gabrielle Chanel se nourrit de toutes les disciplines artistiques. Et c’est dans la danse, en pleine révolution, qu’elle trouve un écho à la mode qu’elle veut proposer, celle d’un corps libre, maître de ses mouvements et symbole d’une nouvelle féminité. Cet art agit comme un miroir de sa vision de la femme et de l’allure. Le nouveau chapitre d’INSIDE CHANEL dévoile les nombreuses collaborations de Gabrielle Chanel avec cet art majeur, et offre un regard croisé sur la danse moderne et celle du style de CHANEL.

Comme le cinéma naissant, la danse du début du XXe siècle ouvre de nouvelles voies au mouvement, illustrant une irrépressible quête de liberté. Gabrielle Chanel qui s’impose à l’époque avec des vêtements confortables et élégants, libérant ainsi les corps des femmes, suit alors les cours de la danseuse en vogue Caryathis. « Toujours ôter, toujours dépouiller. Ne jamais ajouter… Il n’y a d’autre beauté que la liberté des corps » affirme Gabrielle Chanel (1) : la grâce des danseuses, leurs chorégraphies jamais entravées par leurs costumes rencontrent parfaitement les ambitions de la créatrice et sa conception d’une allure moderne, libérée de toute contrainte. « La danseuse de l’avenir sera celle dont le corps et l’âme ont grandi si harmonieusement ensemble que le langage naturel de l’âme sera devenu le mouvement du corps » prédit en effet Isadora Duncan, rejoignant ainsi l’intuition de la créatrice.

C’est en 1913 que Gabrielle Chanel ressent au plus profond d’elle le choc esthétique que constitue le Sacre du printemps présenté par la compagnie des Ballets russes de l’impresario Serge Diaghilev. Mis en musique par Igor Stravinsky, le spectacle est en rupture totale avec la tradition du ballet classique et fait scandale. À Venise, accompagnée de sa grande amie Misia Sert, elle rencontre Diaghilev dont elle épouse sans réserve la vision novatrice d’un art total qui entremêle danse, musique, peinture, décors et costumes. C’est le début d’une longue amitié préservée jusqu’à la mort de Diaghilev en 1929 et de nombreuses collaborations artistiques dont la reprise du Sacre du printemps constitue l’acte fondateur : c’est en effet Gabrielle Chanel qui l’aidera à remonter ce ballet phare en 1920. Avec l’exigence et la pudeur de l’anonymat, elle signe là son premier acte de mécénat.

« Dans notre ballet, les danses ne sont que l’une des composantes du spectacle, et même pas la plus importante… la révolution que nous avons opérée dans le ballet concerne peut -être encore moins le domaine spécifique de la danse qu’avant tout les décors et les costumes ». S’ils résument l’esprit de l’avant-garde parisienne, ces mots de Serge Diaghilev, qui ouvraient l’exposition célébrant le centenaire des Ballets russes à l’Opéra de Paris en 2009, reflètent également l’envie de Gabrielle Chanel d’insuffler le mouvement et la vie à l’allure qu’elle crée pour les femmes.

Ses rencontres la conduisent ainsi à travailler étroitement avec le monde de la danse et notamment les Ballets russes l’instar de ses amis artistes : Claude Debussy compose les musiques de L’Après-Midi d’un Faune en 1912 et de Jeux en 1913, Erik Satie, Picasso et Cocteau s’unissent pour donner vie à Parade en 1917. Puis, Cocteau écrit le livret des Biches en 1923 tandis que Georges Braque et le danseur Serge Lifar, qui devient dès lors l’un des amis les plus chers à Gabrielle, s’engagent pour Zéphyr et Flore en 1925. Gabrielle Chanel, elle, se penche sur le destin du Train bleu en 1924, une satire des Années Folles, en compagnie de Cocteau et Picasso. Les tenues de baigneurs, du joueur de golf et de la championne de tennis qu’elle conçoit pour ce ballet semblent prêtes à être portées pour aller faire du sport. Directement ajustés sur les danseurs, ses modèles illustrent la justesse de sa vision d’une mode libérée de ses carcans et en prise avec la vie. Une pertinence encore renforcée par des tuniques en soie d’une souplesse infinie que Gabrielle Chanel conçoit en 1929 pour la seconde création d’Apollon musagète de Diaghilev. La partition est signée Stravinsky, le premier rôle interprété par Serge Lifar. La mort cette année-là de son grand ami Diaghilev ne fait pas oublier le monde de la danse à Gabrielle Chanel : en 1939, pour les Ballets russes de Monte-Carlo, elle conçoit les costumes du ballet Bacchanale dans des décors de Dali. La grâce et la liberté incarnées par la danse se glissent régulièrement en filigrane dans les créations de Gabrielle Chanel, telle une robe à danser en mousseline issue de la collection de Haute Couture printemps-été 1961.

En alliant danse et mode, Gabrielle Chanel a opéré la synthèse de deux formes de création marquées par le fugitif et l’éphémère, transcendant l’un par l’autre la notion du vêtement littéralement en mouvement, au bénéfice d’un corps féminin définitivement libéré.

Depuis, la flamme de ce 6e Art n’a cessé d’illuminer le cœur de CHANEL et de ses créateurs : Karl Lagerfeld créa des costumes à la demande des chorégraphes Uwe Scholz et Benjamin Millepied entre autres. Pour Elena Glurdjidze, étoile de l’English National Ballet, il réalisa un incroyable tutu de plumes à l’occasion de la reprise de La Mort du Cygne en 2009.
Partenaire fidèle de la soirée des Nijinski Awards de Monaco depuis vingt ans, la Maison est devenue en 2018 mécène du Gala d’ouverture de la saison de la danse à l’Opéra de Paris. Cette année-là, l’institution choisit d’interpréter B/oléro du chorégraphe Ohad Nahirin : Karl Lagerfeld dessina donc les costumes d’Aurélie Dupont, étoile et Directrice de la Danse de l’Opéra national de Paris et de Diana Vishneva, étoile du Mariinsky Ballet.

Costumes de Karl Largerfeld pour « Brahms – Schönberg Quartet »,
chorégraphie de George Balanchine. Opéra national de Paris, 2016. © Laurent Philippe

Pour la saison 2019/2020 de l’Opéra de Paris, Virginie Viard a poursuivi cette conversation créative et artistique en imaginant ceux de Variations, un ballet chorégraphié à sa naissance par Serge Lifar. La danse a également rendu hommage à Gabrielle Chanel : en juin 2019 à Moscou, le Bolchoï dévoile un ballet éponyme retraçant sa vie. La créatrice y est incarnée par l’étoile Svetlana Zakharova et son œuvre est illustrée par 85 costumes conçus à partir des croquis exclusifs de CHANEL. Une magnifique révérence pour unir le style de CHANEL et la danse dans un éternel pas de deux.

(1) Citation dans L’Allure de Chanel, Paul Morand, éd. Hermann, 1976.

Inside CHANEL N°29 est à découvrir sur chanel.com.

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Crédits photos & vidéo : © CHANEL

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