affiche de l’exposition
© Réunion des musées nationaux-Grand Palais, 2022
© Tamara de Lempicka Estate, LLC / Adagp, Paris, 2022 / photo François Fernandez
Très longtemps marginalisées et discriminées tant dans leur formation que dans leur accès aux galeries, aux collectionneurs et aux musées, les artistes femmes de la première moitié du XXe siècle ont néanmoins occupé un rôle primordial dans le développement des grands mouvements artistiques de la modernité, sans pour autant être reconnues de leur vivant en tant que telles. Ce n’est que récemment que leur rôle dans les avant-gardes est exploré : de fait, il est à prévoir que lorsque le rôle de ces femmes sera reconnu à leur juste valeur, ces mouvements seront profondément changés.
L’exposition Pionnières. Artistes dans le Paris des Années folles, actuellement au musée du Luxembourg à Paris, nous invite à les réinscrire dans cette histoire de l’art en transformation : du fauvisme à l’abstraction, en passant par le cubisme, Dada et le Surréalisme notamment, mais aussi dans le monde de l’architecture, la danse, le design, la littérature et la mode, tout comme pour les découvertes scientifiques. Leurs explorations plastiques et conceptuelles témoignent d’audace et de courage face aux conventions établies cantonnant les femmes à certains métiers et stéréotypes. Elles expriment de multiples manières la volonté de redéfinir le rôle des femmes dans le monde moderne. Les nombreux bouleversements du début du XXe siècle voient s’affirmer certaines grandes figures d’artistes femmes. Elles se multiplient après la révolution russe et la Première Guerre mondiale qui accélèrent la remise en cause du modèle patriarcal pour des raisons pratiques, politiques et sociologiques. Les femmes gagnent en pouvoir et visibilité et les artistes vont donner à ces pionnières le visage qui leur correspond.
Un siècle après, il est temps de se remémorer ce moment exceptionnel de l’histoire des artistes femmes. Les années 1920 sont une période de bouillonnement et d’effervescence culturelle, d’où sera tiré le qualificatif d’années folles. Synonymes de fêtes, d’exubérance, de forte croissance économique, cette époque est aussi le moment du questionnement de ce que l’on appelle aujourd’hui les «rôles de genre», et de l’invention ainsi que de l’expérience vécue d’un «troisième genre». Un siècle avant la popularisation du mot «queer», la possibilité de réaliser une transition ou d’être entre deux genres, les artistes des années 20 avaient déjà donné forme à cette révolution de l’identité.
La crise économique, la montée des totalitarismes, puis la Seconde Guerre mondiale vont à la fois restreindre la visibilité des femmes, et faire oublier ce moment extraordinaire des années 20 où elles avaient eu la parole. L’euphorie avant la tempête se joue surtout dans quelques capitales où Paris tient un rôle central, et plus précisément les quartiers latin, de Montparnasse et de Montmartre.
L’exposition Pionnières. Artistes dans le Paris des Années folles présente 45 artistes travaillant aussi bien la peinture, la sculpture, le cinéma, que des techniques/catégories d’objets nouvelles (tableaux textiles, poupées et marionnettes). Des artistes connues comme Suzanne Valadon, Tamara de Lempicka, Marie Laurencin côtoient des figures oubliées comme Mela Muter, Anton Prinner, Gerda Wegener. Ces femmes viennent du monde entier, y compris d’autres continents où certaines exporteront ensuite l’idée de modernité, comme Tarsila Do Amaral au Brésil, Amrita Sher Gil en Inde, ou Pan Yuliang en Chine.
Après les “femmes nouvelles” du XIXe siècle liées à la photographie, ces « nouvelles Eves » sont les premières à avoir la possibilité d’être reconnues comme des artistes, de posséder un atelier, une galerie ou une maison d’édition, de diriger des ateliers dans des écoles d’art, de représenter des corps nus, qu’ils soient masculins ou féminins, et d’interroger ces catégories de genre. Les premières femmes à avoir la possibilité de vivre leur sexualité, quelle qu’elle soit, de choisir leur époux, de se marier ou pas et de s’habiller comme elles l’entendent. Leur vie et leur corps, dont elles sont les premières à revendiquer l’entière propriété, sont les outils de leur art, de leur travail, qu’elles réinventent dans tous les matériaux, sur tous les supports. L’interdisciplinarité et la performativité de leur création ont influencé et continue d’influencer des générations entières d’artistes.
ORGANISATION DE L’EXPOSITION EN 9 CHAPITRES
vue de l’exposition Pionnières. Artistes dans le Paris des années folles, Musée du Luxembourg
scénographie Sylvie Jodar © Rmn-Grand Palais / Photo Didier Plowy
L’exposition se veut aussi foisonnante que ces années 1920, convoque artistes et femmes de l’art, amazones, mères, androgynes à leurs heures et révolutionnaires presque toujours, qu’elle rassemble dans neuf chapitres thématiques Dans certaines salles/chapitres, une sélection d’extraits de films, chansons, partitions, romans, revues évoquent les grands personnages féminins dans les domaines du sport, de la science, de la littérature, de la mode.
En introduction, « Les femmes sur tous les fronts » examine comment la guerre a promu les femmes engagées volontaires comme infirmières au front, mais aussi remplaçant les hommes décimés par une guerre meurtrière partout où leur présence était nécessaire.
Pourquoi Paris? Paris, c’est la ville des Académies privées où les femmes sont bienvenues ; la ville des librairies d’avant-garde, des cafés où les artistes croisent les poètes et romanciers dont les livres sont traduits et diffusés dans des librairies uniques au monde, où le cinéma expérimental s’invente…. Tous ces lieux sont tenus ou remplis, par des femmes ; elles sont dans toutes les avant-gardes et toutes les formes d’abstraction.
Comment les avant-gardes se conjuguent au féminin
Gisèle Freund
Sylvia Beach dans sa librairie Shakespeare and Company, Paris 1936
Épreuve gélatino-argentique 30 x 40 cm
France, Paris, Centre Pompidou, Musée national d’Art moderne / Centre de création industrielle
© RMN gestion droit d’auteur/Fonds MCC/IMEC – photo Centre Pompidou,
MNAM-CCI, Dist. RMN-Grand Palais / Gisèle Freund, reproduction de Adam Rzepka
Pour ces femmes libérées et autonomes, Vivre de son art est un impératif essentiel : elles développent des ponts entre l’art et les arts appliqués, la peinture et la mode, inventent des espaces intérieurs et des architectures ou même des décors de théâtre, et enfin inventent de nouvelles typologies d’objet comme des poupées/portraits, des marionnettes/sculptures, des tableaux en textile. Sonia Delaunay aura sa boutique ainsi que Sarah Lipska.
Marie Vassilieff
L’Architecte pour la pièce «Le Chateau du Roi»,
Théâtre du Bourdon, 1928
Tissu, carton peint et bois collection particulière
© Marie Vassilieff / photo Galerie du Passage – David Atlan
Non contentes de réinventer le métier d’artiste, elles se saisissent du temps de loisir et représentent le corps musclé, sous le soleil, voire sportif, transformant le sport masculin en un équivalent féminin à la fois élégant, ambitieux et décontracté, inventant ce qui deviendra un poncif du XXIe siècle. La garçonne découvre les joies de ne rien faire au soleil (l’héliothérapie), s’inscrit aux Jeux Olympiques ou promeut son célèbre nom grâce à des produits dérivés, pratiquant aussi bien le music hall la nuit, que le golf la journée : elle s’appelle Joséphine Baker.
Suzanne Valadon
Jeune femme aux bas blancs, 1924
huile sur toile – 73 x 60 cm
Nancy, Musée des Beaux-Arts
© musée des Beaux-Arts, Nancy / photo G. Mangin
Tandis que le corps se déploie librement sous le soleil dans des poses nouvelles, il se réinvente aussi Chez soi, sans fard. Ces odalisques modernes se représentent dans leurs intérieurs avec naturalisme. Plus besoin de paraître ni de faire semblant : la maternité peut-être ennuyeuse et fatigante ; les poses de nues excentriques, le déshabillage une échappatoire aux diktats du regard du monde.
Ainsi s’élabore, dans les années 20, ce nouveau point de vue complexe et informé de femmes éduquées et ambitieuses, déterminées à représenter le monde telles qu’elles le voient, à commencer par leur corps. C’est là que leur regard s’affute, se mesure au passé, rêve un autre futur. Le female gaze des années 20 s’emploie à représenter le corps autrement.
Emilie Charmy
Jeune femme, tête renversée, 1920
Huile sur carton toilé collection particulière
© Adagp, Paris, 2022 / photo Alberto Ricci, Paris
Parmi les tropes que ces années folles inventent et surtout mettent en pratique au grand jour, celui des « deux amies » décrit une amitié forte entre deux femmes sans la présence d’hommes, ou une histoire d’amour, ou un mélange d’amitié et de désir qui permet aux femmes une bisexualité assumée. Les deux amies sont une invention des années 20 que la peinture, la littérature et la société cosmopolite vont représenter, accueillir et dont elles transmettront la mémoire.
Tamara de Lempicka
Suzy Solidor, 1935
huile sur toile
Cagnes-sur-Mer, Château-Musée Grimaldi
© Tamara de Lempicka Estate, LLC / Adagp, Paris, 2022 / photo François Fernandez
Tamara de Lempicka
Perspective ou Les Deux Amies, 1923
huile sur toile, 130×160 cm
Suisse, Genève, Association des Amis du Petit Palais
©Tamara de Lempicka Estate, LLC / Adagp, Paris, 2022
photo Association des Amis du Petit Palais, Genève / Studio Monique Bernaz, Genève
Ni les garçonnes qui succombent à la mode de se couper les cheveux, ni les amazones qui ne dédaignent pas d’endosser des costumes masculins, ni les travestis occasionnels ou bals masqués courants, ne recouvrent l’essentielle émergence d’un « troisième genre », ancêtre de notre fluidité des genres et en particulier de la possibilité de ne pas s’en assigner.
Romaine Brooks
Au bord de la mer, 1912
huile sur toile, 105 x 68 cm
Musée franco-américain du château de Blérancourt / dépôt du Centre Pompidou,
Musée national d’Art moderne / Centre de création industrielle, Paris
© The Romaine Brooks Estate # Pascal Alcan Legrand
photo Centre Pompidou, MNAM-CCI, Dist. Rmn-Grand Palais / Gérard Blot
Pour conclure, l’exposition rappellera que ces artistes furent aussi des voyageuses : d’un continent à l’autre pour se former et lancer des avant-gardes dans leur pays ; ou exploratrices de pays inconnus, ou peintres et sculpteuses à la découverte d’un « autre » dont elles tentent de saisir l’identité sans les poncifs du regard colonial. Ces Pionnières de la diversité souffraient de l’invisibilité dans leur pays : elles étaient à même de comprendre d’autres identités mises à l’écart : elles ont beaucoup à nous apprendre.
Tarsila Do Amaral
La famille, 1925
Huile sur toile, 79 x 101,5 cm
Espagne, Madrid, Museo Nacional Centro de Arte Reina Sofia
© Tarsila do Amaral Licenciamentos
photo Photographic Archives Museo Nacional Centro de Arte Reina Sofía, Madrid
CHANEL, SOUTIEN EXCLUSIF DE L’EXPOSITION
« Je veux être de ce qui va arriver », se plaisait à dire Mademoiselle Chanel. (L’Allure de Chanel, Paul Morand, Ed. Hermann).
Cette aspiration, conjuguée à un esprit avant-gardiste et visionnaire, a fait de CHANEL une marque de création tournée vers l’avenir et ouverte sur le monde, qui s’attache à poursuivre la démarche en faveur du rayonnement artistique et culturel de Paris initiée par Gabrielle Chanel.
L’exposition « Pionnières. Artistes dans le Paris des Années folles », du mercredi 2 mars au dimanche 10 juillet 2022 au musée du Luxembourg, bénéficie du soutien exclusif de la Maison CHANEL.
« Pionnières », car comme Gabrielle Chanel ces artistes se sont lancées les premières dans des entreprises créatives nouvelles, inexplorées et ont fait la promotion de formes artistiques novatrices. L’exposition, créée par Camille Morineau et Lucia Pesapane et organisée par la Réunion des musées nationaux – Grand Palais, met en lumière l’influence de leur créations sur des générations entières d’artistes et de spectateurs.
Depuis ses origines il y a plus d’un siècle, la Maison CHANEL a mis en place et pérennisé les éléments d’un langage qui se situe au-delà de la mode, un langage qui a profondément marqué l’esthétique du XXe siècle et d’aujourd’hui. Les liens permanents entre les créateurs de CHANEL, de Gabrielle Chanel à Virginie Viard, et les artistes de leurs temps, attestent d’une véritable communauté d’aspirations.
La Maison CHANEL soutient cet événement culturel qui présente des peintures, sculptures, photographies, films, oeuvres textiles et littéraires, et qui met en avant le rôle primordial des femmes dans le développement des grands mouvements artistiques de la modernité.
Pionnières. Artistes dans le Paris des Années folles
Exposition au musée du Luxembourg – 19 rue Vaugirard Paris 6
jusqu’au 10 juillet 2022
Horaires d’ouverture : tous les jours de 10h30 à 19h00 ; nocturne tous les lundis jusqu’à 22h00.
Ouvert tous les jours fériés sauf le 1er mai 2022.
Exposition organisée par la Réunion des musées nationaux – Grand Palais.
Commissariat général : Camille Morineau, Conservatrice du Patrimoine et directrice d’AWARE (Archives of WOmen Artists, Research and Exhibitions)
Commissaire associée : Lucia Pesapane, historienne de l’art
Mention obligatoire : © espritdegabrielle.com
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Que le portrait de Gabrielle Chanel, peint par Marie Laurencin, soit présenté pour cette exposition Pionnières au musée du Luxembourg, est un juste et bel hommage à ces deux femmes ouvertes à l’ art, à l’ imagination, ouvertes au monde, à sa beauté, ouvertes à la création. Marie Laurencin, l’ artiste peintre délicate jusqu’ au sublime et Gabrielle Chanel, la créatrice visionnaire, phare éternel de la haute couture, sont ici parmi bien d’ autres artistes qui ont osé réaliser l’ originalité de leur talent avant-gardiste, parmi d’ autres aussi qui ont usé d’ une audace, d’ un courage fou pour mettre en oeuvre toute leur puissance de création et qui sont honorées durant cette exposition.
Max Régnier. Aniche
Max Régnier. Villeneuve de la Raho