KITMIR, LES BRODERIES RUSSES DE MADEMOISELLE CHANEL :
L’ALLIANCE SUBLIME DE LA MODE ET DE L’HISTOIRE
Lorsque Gabrielle Chanel rencontre la grande-duchesse Marie Pavlovna de Russie en 1921, rien ne semble prédestiner ces deux femmes à collaborer. L’une est l’emblème de la modernité et de la simplicité parisienne, l’autre une aristocrate exilée, porteuse d’un riche héritage slave. Pourtant, leur rencontre va bouleverser l’histoire de la haute couture et donner naissance à un atelier de broderie d’exception : Kitmir.
Le livre Kitmir, les broderies russes de Mademoiselle Chanel par Nadia Albertini et Sophie Kurkdjian, raconte avec passion et précision ce chapitre méconnu de la Maison CHANEL.
UNE RENCONTRE SOUS LE SIGNE DE L’EXIL
La révolution bolchevique de 1917 force des milliers d’aristocrates russes à l’exil, dont Marie Pavlovna, cousine de l’empereur Nicolas II. Cette princesse, née au sein de la dynastie Romanov en 1890, voit sa vie basculer dans un chaos où elle perd non seulement son statut, mais aussi sa famille. Avec résilience, elle trouve refuge à Paris en 1920, comme tant d’autres Russes blancs qui y apportent leur culture, leur art et leur savoir-faire.
L’aristocratie russe, autrefois habituée à une vie fastueuse, doit désormais survivre dans une nouvelle réalité. Beaucoup se tournent vers les métiers de la mode : certaines deviennent mannequins, couturières, ou brodeuses. Les Russes exilés apportent un vent d’inspiration nouveau à Paris, notamment dans les domaines des arts décoratifs et du textile.
À cette époque, Gabrielle Chanel, déjà reconnue comme une figure incontournable de la mode, cherche constamment à renouveler son inspiration. La rencontre avec la grande-duchesse Marie Pavlovna est alors déterminante : Chanel y voit une opportunité de sublimer ses créations grâce à des broderies inédites, tandis que Marie y trouve un moyen de reconstruire sa vie.
Détail d’un broderie réalisée par l’atelier Kitmir : sur une base de lainage écru,
sont brodés des petits éléments carrés en bois et des micro-perles en métal
NAISSANCE DE KITMIR : L’ATELIER DES MERVEILLES
En 1922, Marie Pavlovna fonde Kitmir, un atelier de broderie exclusivement dédié aux créations de CHANEL. Cette collaboration, formalisée par un contrat d’exclusivité, marque le début d’une période unique dans l’histoire de la Maison. La même année, Gabrielle Chanel présente sa célèbre collection russe, où les broderies Kitmir subliment des silhouettes inspirées des vêtements traditionnels slaves : vareuses, pelisses et roubachkas.
Les broderies Kitmir se distinguent par une richesse exceptionnelle et une grande modernité. Inspirées par l’imaginaire slave mais également par des influences orientales – persanes, chinoises et égyptiennes – elles conjuguent tradition et innovation. L’esprit cosmopolite de ces créations s’inscrit parfaitement dans les années 1920, une époque marquée par la fascination pour l’exotisme.
Les motifs, souvent géométriques ou floraux, témoignent d’un savoir-faire d’une finesse inouïe. Réalisées à la machine Cornély, une innovation technique de l’époque, ces broderies permettent une production plus rapide tout en conservant une qualité artisanale. Sous la direction de Marie Pavlovna, des brodeuses russes, souvent des femmes de l’aristocratie tombées dans la précarité, redonnent vie à ce métier ancestral.
L’école de Suède est très inspirée par les créations de la Wiener Werkstatte
et la grande-duchesse le sera, à son tour, pour ses broderies des années 1920
LES TRÉSORS DE KITMIR : UNE BEAUTÉ PRÉSERVÉE
Si peu de pièces brodées par l’atelier Kitmir ont survécu au temps, certaines sont aujourd’hui conservées dans des institutions prestigieuses comme le Metropolitan Museum of Art à New York ou le Kyoto Costume Institute. Les archives de la Maison CHANEL abritent également des trésors inestimables.
L’ouvrage Kitmir, les broderies russes de Mademoiselle Chanel dévoile pour la première fois une centaine d’échantillons exceptionnels, précieusement conservés depuis la fermeture de l’atelier en 1929 par la maison Hurel. Ces échantillons, d’une beauté saisissante, témoignent de l’ingéniosité et de l’excellence des brodeuses de Kitmir. Chaque motif, chaque fil, raconte une histoire : celle d’un dialogue entre deux cultures, d’un héritage artisanal transmis de génération en génération, et de la modernité insufflée par CHANEL.
Échantillon Kitmir, réalisé sur une base de lainage gris, combine magnifiquement
trois techniques toutes très différentes : la peinture textile à la main vient colorer
la base des tons violets ; la machine Cornély brode des demi-arcs de cercles
dans un camaïeu de parme et violet au point de chaînette
et les clous émaillés et or viennent rythmer cette riche bordure
(Collection de la Maison Hurel, Paris)
GABRIELLE CHANEL ET LA « PÉRIODE RUSSE »
La collaboration avec Marie Pavlovna s’inscrit dans ce que les historiens appellent la « période russe » de CHANEL, une époque où Gabrielle Chanel puise son inspiration dans les arts et la culture slaves. Cette influence se retrouve non seulement dans les broderies Kitmir, mais également dans ses amitiés et ses collaborations avec des artistes russes.
Gabrielle Chanel entretient alors des liens étroits avec les Ballets Russes de Serge Diaghilev, dont les décors et costumes, créés par Léon Bakst ou Alexandre Benois, fascinent le public parisien. Son compagnon de l’époque, le grand-duc Dimitri Pavlovitch, frère de Marie Pavlovna, participe également à l’introduction de ces influences dans la vie de la créatrice. Ce contexte artistique foisonnant donne naissance à une mode sophistiquée, élégante et avant-gardiste, où les broderies Kitmir jouent un rôle central.
Avec Kitmir, la grande-duchesse Marie combine des inspirations viennoises
et les couleurs des Ballets russes avec des matières originales et surprenantes
MARIE PAVLOVNA : UNE FEMME DE RÉSILIENCE
L’histoire de Kitmir est indissociable de celle de Marie Pavlovna, une femme dont la vie est marquée par les bouleversements de l’Histoire. Née dans un palais, elle termine sa vie dans un modeste appartement à New York, après avoir traversé deux divorces, la perte de ses enfants et l’exil forcé. Pourtant, elle ne renonce jamais. Son parcours témoigne d’une capacité à se réinventer sans cesse, à trouver sa place dans un monde en pleine mutation.
Après la fermeture de Kitmir en 1929, victime de la crise économique, Marie Pavlovna poursuit son chemin. Elle écrit ses mémoires, Une princesse en exil, qui connaissent un grand succès, et se lance dans la création de chapeaux pour Bergdorf Goodman à New York. Elle incarne, à sa manière, une forme de modernité féminine, faite d’indépendance, de travail et de créativité.
L’or, symbole de richesse et de royauté, est une constante dans la vie de Maria Povlovna,
de son enfance à Saint-Petersbourg, en passant par son voyage en Asie
jusqu’à ses plus belles réalisations brodées pour CHANEL, entre 1921 et 1928
UN LIVRE ESSENTIEL POUR LES PASSIONNÉS DE MODE
L’ouvrage Kitmir, les broderies russes de Mademoiselle Chanel est une véritable plongée dans une époque révolue, où la mode parisienne rayonnait grâce à des collaborations exceptionnelles. À travers les recherches minutieuses de Nadia Albertini et Sophie Kurkdjian, nous découvrons non seulement l’histoire de Kitmir, mais également un chapitre méconnu de l’immigration russe en France et de son apport à l’artisanat d’art.
Le livre, richement illustré, nous offre une analyse détaillée des broderies Kitmir, depuis leur conception jusqu’à leur réalisation. Il met en lumière le travail invisible des brodeuses, ces femmes qui, à l’image de Marie Pavlovna, ont trouvé dans cet art un moyen de survivre et de s’exprimer.
KITMIR, UN HÉRITAGE À REDÉCOUVRIR
En célébrant l’atelier Kitmir, ce livre rend hommage à une collaboration unique entre Gabrielle Chanel et Marie Pavlovna, deux femmes visionnaires qui ont marqué leur époque. Il nous rappelle également l’importance de la transmission du savoir-faire et de la préservation du patrimoine artisanal.
Aujourd’hui encore, les broderies Kitmir fascinent par leur modernité intemporelle. Elles incarnent à la fois la créativité sans limite de Gabrielle Chanel et la résilience exemplaire de Marie Pavlovna. Kitmir, les broderies russes de Mademoiselle Chanel est bien plus qu’un livre de mode : c’est une ode à la beauté, à l’histoire et à l’artisanat.
Kitmir Les broderies russes de Mademoiselle Chanel
Nadia Albertini et Sophie Kurkdjian
Éditeur : Gourcuff Gradenigo
ISBN : 978-2-35340-388-2
Format : 24 x 30 cm
Nombre de pages : 208
Nombre d’illustrations : environ 200
Ouvrage relié
Prix : 69,00 euros
Mention obligatoire : © espritdegabrielle.com
Crédits photos : © Éditions GOURCUFF GRADENIGO
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