CHANEL printemps-été 2026
Sous un ciel de planètes, le vêtement reprend la parole
Le 6 octobre 2025, Grand Palais. Sous une voûte constellée de planètes lumineuses et au-dessus d’un sol noir laqué qui reflète chaque pas, Matthieu Blazy présente sa première collection CHANEL. Pas d’effet pyrotechnique : une montée en intensité par la coupe et la matière. Chemises totems, tweeds allégés, transparences orchestrées, tailleurs assouplis, et un 2.55 “crushed” pensé comme un objet bien aimé. La salle se lève, la presse parle d’un “design reset” et d’une orbite nouvelle — fidèle à l’esprit de Gabrielle Chanel, tournée vers l’usage.
Aisance naturelle, des codes du vestiaire masculin,
des manches retroussées et une palette emblématique.
Une journée en CHANEL
AVANT DÉFILÉ : ATTENTES ET LIGNE DE MIRE
Pendant des semaines, la question n’était pas « que va-t-il choquer ? » mais comment va-t-il réaccorder les codes CHANEL (tweed, jersey, soie, masculin-féminin), au rythme d’aujourd’hui. La rumeur d’un décor sidéral circulait ; on évoquait des chemises très présentes, un tweed plus souple, des transparences en mouvement. Le soir venu, l’ouverture confirme : chemise blanche, pantalon gris perle fluide, veste boxy légèrement raccourcie. Un diapason, pas un coup de gong : le vêtement avant le slogan. Vogue parle d’un départ « assuré, moderne, facile », porté par l’idée que « l’on peut réduire les codes de CHANEL et ils restent CHANEL ».
Aisance naturelle, des codes du vestiaire masculin,
des manches retroussées et une palette emblématique.
Une journée en CHANEL
SCÉNOGRAPHIE : UN PLANÉTARIUM POUR CADRER LA VISION
Sous la verrière, des sphères suspendues dessinent un système solaire ; au sol, un miroir noir renvoie les silhouettes et « prolonge » la ligne en orbite. Spectaculaire mais au service du propos : faire sentir un déplacement de gravité plus qu’une déflagration. AP résume : « Showmanship returns at CHANEL… sous un ciel de planètes », tandis que The Guardian parle d’un « galactic stage » avec Saturne tournoyante et un « soleil » incandescent. La vidéo officielle ancre la clé de lecture : « an imaginary conversation with Gabrielle Chanel », retour au masculin-féminin et aux matières fondamentales.
LA SALLE : ATTENTION ET MESURE
La salle est comble, plus de 2 000 invités, avec un premier rang d’envergure mais retenu : Nicole Kidman (annoncée ambassadrice, avec Sunday Rose et Faith), Ayo Edebiri, Margot Robbie, Penélope Cruz, Pedro Pascal, Julia Louis-Dreyfus, Marion Cotillard, Lily-Rose Depp, Sofia Coppola, entre autres. L’allure de Nicole Kidman (chemise blanche brodée, denim, flap oxblood) faisait écho, mine de rien, à la grammaire d’ouverture. L’ovation finale est franche et longue.

Tout commence par une tradition masculine :
une chemise, empruntée et portée par Gabrielle Chanel à BoyCapel, son grand amour.
À l’époque, la chemise provenait du prestigieux chemisier français Charvet ;
aujourd’hui, elle est réalisée en collaboration avec CHANEL.
LE VOCABULAIRE BLAZY : PRÉCISION, MOBILITÉ, USAGE
1) La chemise, pivot. Érigée en totem raisonneur, elle remplace l’ancienne petite veste comme centre de gravité : popeline ou soie, manche roulée, col net, parfois pinstripe avec broderie du logo 1910. La modernité naît de la justesse, pas de l’épate.
2) Le tweed, libéré. Allégé, lisières effilochées, franges fines, micro-fils métallisés ; la matière respire au lieu de figer. Le symbole redevient tactile.
3) Transparences orchestrées. Organza posé sur pantalon, mousseline qui dévoile une couture intérieure, camisole sous tailleur : la transparence rythme la marche plutôt qu’elle n’exhibe.
4) Tailoring assoupli. Tailleur noir à revers ivoire, pantalon taille basse qui s’ouvre, porté avec un débardeur ou une maille fine : rigueur et souplesse se tiennent sans rigidité.
5) Androgynie tranquille. Chemises longues, pantalons amples low-slung, ceintures ruban : l’aisance prend le pas sur la performance de genre, clin d’œil à la liberté de Gabrielle Chanel.
Des lignes épurées et architecturales en noir et blanc graphique,
somptueusement déclinées en soies fluides tricotées, tweeds légers et laines douces.
Les codes CHANEL en mouvement.
ACCESSOIRES : L’ICÔNE RÉ-HUMANISÉE
Le 2.55 n’est plus un reliquaire : il est “crushed/crumpled” : rabat malléable, coutures apparentes, parfois or/argent, doublure bordeaux visible. Un sac bien aimé, pas sanctuarisé. La presse internationale y voit le symbole de la méthode Blazy : l’usage avant le fétiche. Les gros plans podium confirment ces manipulations du flap.
Des tweeds effilochés et des textures brutes sublimées ; une robe en floraison.
Une étude sur les étoffes et le mouvement.
QUINZE MOMENTS-CLÉS
1) La chemise manifeste
Une chemise blanche taillée avec une netteté de lame, glissée dans un pantalon gris perle qui tombe droit sans raideur : l’aisance se lit d’abord dans la ligne d’épaule, ni large ni étriquée, et dans la patte de boutonnage qui reste plate, sans tension. La veste boxy, légèrement raccourcie, dégage la hanche et équilibre la verticalité du pantalon. Rien n’est décoratif : les proportions font la modernité. On comprend d’emblée que la chemise devient l’axe de la collection, l’outil qui accorde l’œil et le corps avant toute variation.
2) Androgynie calme — chemise XL & pantalon low-slung
Chemise à la carrure volontaire, manches roulées comme un geste quotidien, et pantalon low-slung qui repose sur l’os de la hanche sans marquer la taille. L’androgynie n’est pas un effet : elle vient de la répartition des volumes (buste ample, jambe fluide, taille abaissée) qui libère le torse. La fente latérale de la chemise accompagne la marche, évite tout empâtement. L’ensemble dégage une féminité d’aisance, héritière de Gabrielle Chanel : bouger libre vaut mieux que poser.
3) Le V civilisé — maille sur sous-couche
Un pull col V posé sur une sous-couche (tee-shirt) dont l’ourlet dépasse légèrement : la superposition ne cherche pas la rupture de style, elle cadence la silhouette. Le V est peu profond, de sorte qu’il crée une zone respirante au niveau sternum sans dévoiler. L’ourlet du tee-shirt, visible, introduit une ligne horizontale qui relie buste et bassin et stabilise l’ensemble. C’est la version CHANEL du layering quotidien : sensible, net, portable.
4) Coordonné wrap — maille V & jupe portefeuille
Variation du précédent : la maille dialoguant avec une jupe portefeuille. Le croisé de la jupe double la géométrie du col V ; les deux pointes (haut/bas) orientent la marche et affinent la lecture des hanches. Le pan de la jupe, plaqué mais mobile, découvre la jambe en mouvement sans effet de manche. On est dans un vestiaire plutôt que dans un look isolé : une grammaire faite pour se décliner.
5) Chemise pinstripe & logo 1910
Chemise en pinstripe (rayure fine) et broderie d’un logo historique : l’archive sert de grain plutôt que de citation. Les rayures, très serrées, allongent le buste ; la broderie se loge là où l’œil ne s’attend pas à une signature voyante, comme un signe discret. Le col garde une ouverture mesurée qui autorise la superposition de colliers ou laisse le cou nu, selon l’intention. C’est une chemise-manifesto : elle parle d’époque par la coupe, pas par le slogan.
6) Pastel fragmenté — tweed aquarelle
Un tweed allégé, dans des tons rose quartz ou vert d’eau, animé de fils métallisés microscopiques qui saisissent la lumière. L’ourlet effiloché n’imite pas l’usure : il est fini en tant que tel, contrôlé, régulier, pour obtenir une frange aérienne. La trame n’est plus compacte : on perçoit la main et la respiration entre les points. Le tweed cesse d’être un blason, redevient matière vivante, apte à plier et à revenir.
7) Transparence orchestrée — jupe d’organza sur pantalon
Une jupe en organza longue sur un pantalon droit : de face, on lit la verticalité ; de profil, on voit la sur-épaisseur diaphane qui fait halo. L’organza ne colle jamais : l’ourlet décroche à chaque pas, créant un retard visuel derrière la jambe. Il ne s’agit pas de montrer : il s’agit d’espacer les couches pour écrire la marche. La transparence devient rythme, pas exhibition.
8) Asymétrie douce — chemise & jupe “déportée”
Chemise claire, boutonnée sans rigidité, et jupe dont la ligne est légèrement déportée sur la hanche : l’asymétrie, minimale, réveille la silhouette sans la déstabiliser. Le pan de jupe, nonchalant mais tenu, suggère une torsion du bassin qui donne du nerf à la verticalité de la chemise. L’aisance vient de micro-écarts mesurés : rien de théâtral, tout de porté.
9) Tailleur bicolore — revers ivoire
Veste noire aux revers ivoire tranchants, posée sur un pantalon taille basse qui s’ouvre en bas. Le contraste bicolore sculpte l’encolure et encadre le visage ; le pantalon, ouvert, aère la jambe et rattrape la rigueur du haut. Porté avec un débardeur ou une maille fine, le tailleur perd son autoritarisme, gagne en souplesse. C’est une charnière de collection : exactitude de la coupe, relâchement de l’allure.
10) Tweed libéré — effilochages aériens
Ici, la signature tient à la lisière : de fines franges, droites et régulières, servent de bord actif au vêtement. Elles prennent la lumière et signalent le mouvement sans surcharger. La densité du tweed est revue à la baisse ; le tombé devient souple, l’épaule se pose sans s’endurcir. La pièce n’est plus une armure : elle accompagne.
11) Champ nocturne — robe noire aux épis de blé
Robe noire en mousseline, brodée d’épis de blé dorés qui remontent du bassin vers le buste. L’implantation des motifs suit l’anatomie : plus dense au niveau de la hanche, plus éparse en remontant, de sorte que la robe allège visuellement la taille. Les broderies ne figent pas le tissu : on garde la souplesse d’un voile, avec un miroitement discret. Écho à l’iconographie de Gabrielle Chanel, mais revu en cartographie lumineuse.
12) 2.55 “crushed” — rabat malléable
Le sac iconique, doublure bordeaux assumée, se présente en version “crushed” : flap malléable, coutures apparentes, parfois métallisé (or/argent). L’idée n’est pas le faux vieux : c’est l’objet bien aimé, qui a vécu, manipulé par la main. Les finitions restent hautes : chaîne, surpiqûre, piqûre sellier ; seul change le comportement du rabat, plus souple, comme si le sac répondait à la paume. Un manifeste d’usage plus que de vitrine.
13) Camélia froissé — tricot de soie
Le camélia, emblème, apparaît crumpled (froissé) et intégré à des vestes ou ensembles en tricot de soie. La fleur n’est plus une applique rigide : elle vit avec la maille, se plisse quand on bouge, reprend sa forme quand on s’arrête. Ce travail dit la même chose que le sac “crushed” : préférer le vécu à l’icône figée. La soie tricotée, dense mais élastique, donne une tension souple qui garde la tenue.
14) Knit inversé — la série qui fait vestiaire
Reprise de la grammaire maille/sous-couche avec des teintes inversées ou des changements d’échelle (V plus fermé, tee-shirt plus long, jupe vs pantalon). On ne fabrique pas des silhouettes isolées, on décline un système : le client peut composer (top A + bas B) sans perdre l’équilibre. La constance des proportions (épaules nettes, taille abaissée, tombé franc) garantit l’harmonie d’ensemble. C’est la preuve qu’on parle de langage, pas d’effet.
Des lignes courbes, des bordures contrastées, de nouvelles proportions.
Les classiques qui traversent le temps.
15) T-shirt de soie & jupe de plumes (final)
Un T-shirt en soie blanc, coupé comme un tee-shirt, et une jupe de plumes multicolores au volume dansant. Le contraste haut quotidien / bas spectaculaire résume la collection : l’exception vient du mouvement et de la matière, pas de la surcharge. Les plumes sont implantées en nappes qui laissent passer l’air ; la marche crée des vagues plutôt que des à-coups. Final lumineux, apothéose légère qui scelle la promesse du show : la couture au service du porté.
RÉCEPTION : UN “RESET” SALUÉ, SANS HYPERBOLE
Les titres convergent : “design reset” (Reuters), « orbite » nouvelle (presse mode), « galactic stage » (The Guardian). On salue la cohérence du début à la fin, la mesure (pas de grandiloquence), l’intelligence d’un langage qui se conjugue. AP insiste sur le retour d’un véritable showmanship (mais cadré, au service du vêtement) et sur l’ovation finale. WWD parle d’une ré-écriture par strates : chemise pivot, tweed désenglué, transparences réglées, accessoires porteurs de sens.
Des quadrillages de tweeds, de tissages et de transparences.
En gros plan, en perspective.
LECTURE D’ATELIER : LA MÉTHODE BLAZY
Au-delà des images, on perçoit une discipline de coupe : phrases longues, silences utiles, respiration de la ligne. La chemise devient axe, le tweed s’allège, la transparence cadence la marche, le tailleur assouplit son autorité. Les accessoires prolongent la phrase (2.55 “crushed”, perles et chaînes aux volumes sphériques). Pas de slogans : un vocabulaire portable qui peut se décliner en boutique sans perdre la tenue du podium.
Final fleuri
CE QUE CELA CHANGE POUR CHANEL
Changer de créateur ne suffit pas ; il faut changer de tempo. Ici, la phrase est posée, le rythme calme, la coupe parle : une orbite plutôt qu’un éclair. Commercialement, les silhouettes habitables (chemises, pantalons fluides, tailleurs assouplis) laissent présager une bonne convertibilité ; les effilochages et voiles donnent l’impulsion podium qui se traduira en versions jour.
Côté image, le décor planétaire était la métaphore juste : gravité retrouvée, projections possibles.
Final fleuri
CONCLUSION : LA TENUE PLUTÔT QUE LE BRUIT
On sort du Grand Palais avec une impression rare : la tenue d’un vêtement. Ce premier défilé CHANEL de Matthieu Blazy ne cherche ni la rupture sèche ni la citation pieuse ; il ré-accorde la langue de la Maison par la coupe, la matière et le mouvement.
Le lendemain, l’évidence est intacte : le vêtement a repris la parole, et le ciel de planètes, pourtant spectaculaire, n’aura été qu’un silence utile pour mieux l’entendre.
Mention obligatoire : © espritdegabrielle.com
Crédits photos : © CHANEL
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