Il y a 90 ans, Gabrielle Chanel crée « Bijoux de Diamants », première collection de Haute Joaillerie au monde. Une collection somptueuse, où elle applique au bijou un principe fondamental de sa création : libérer le corps des femmes tout en les parant.
« Pour oublier la crise, il n’est rien de tel que de pouvoir contempler de belles choses nouvelles,
que l’art de nos artisans ne cesse pas de mettre au jour »
Gabrielle Chanel
L’Intransigeant, 26 octobre 1932
1932. Voilà déjà trois ans que la vie est à l’arrêt, depuis qu’un jeudi noir de 1929 a plongé le monde dans l’obscurité de la Grande Dépression et relégué l’heureuse croissance des années 20 au rang de vague regret. Assombrie par la morosité de l’inflation, la débâcle de la consommation et des taux de chômage qui donnent le vertige, l’époque est sinistre.
Et c’est exactement la raison qui fait de 1932 le terreau idéal de l’espoir et du renouveau.
En novembre, il y a cette idée lumineuse de la Diamond Corporation Limited de Londres pour rendre son lustre au marché du diamant…
La Diamond Corporation Limited de Londres appelle une femme, génie de l’accessoire qui applique les principes du modernisme au vêtement. Une femme visionnaire, dont la presse internationale vient de saluer les bijoux faux plus ravissants que les vrais. Une femme puissante, à la tête d’un empire protéiforme, dont les frontières s’épanouissent un peu plus chaque jour. Une femme, amie des arts et des artistes, cœur battant de son époque qui conjure le sort fait aux femmes, aux corps et aux mœurs de chaque côté de l’océan.
Gabrielle Chanel est choisie pour ressusciter le diamant.
Contre la sinistrose, elle choisira la possibilité du rêve et la vitalité du beau. Mademoiselle créera « Bijoux de Diamants », première collection de Haute Joaillerie de l’histoire, fera bondir les stocks de la Diamond Corporation Limited en deux jours, métamorphosera toute une industrie et régénérera son temps.
« Mes étoiles ! Mais comment rien trouver qui soit plus seyant
et plus éternellement moderne ? »
Gabrielle Chanel
L’Illustration, 12 novembre 1932
De son enfance à Aubazine, il se dit que Mademoiselle aurait cultivé sa détermination pour la rigueur et l’épure. Que, dès qu’il s’agit d’inspiration, l’abbaye cistercienne baignée dans la lumière du ciel corrézien serait une source d’énergie éternellement renouvelable. Par exemple cette carte du ciel, blason immergé dans la pierre de ce sol foulé tant de fois, où s’embrassent les comètes, la lune et le soleil… Garder les pieds sur terre est-il le meilleur moyen d’avoir la tête dans les étoiles ? Si elle compte depuis toujours sur la force presque magique des symboles, Gabrielle Chanel apprendra à croire aux signes, en rencontrant Boy Capel, amour de ceux qui foudroient une vie pour en faire une expérience du sublime.
Une nuit d’été à Paris. Il fait encore très bon et le ciel ne serait qu’une encre ténébreuse s’il n’était pas strié d’étoiles, toile de jais illuminée par le halo d’un croissant de lune. Ces astres qui scintillent comme des diamants en apesanteur inspireront l’acte fondateur de toute la Haute Joaillerie de CHANEL. C’est en les regardant briller dans l’immensité du ciel que Mademoiselle décidera de consteller la peau et la chevelure des femmes d’une pluie de météorites, d’y faire rayonner des croissants de lune et resplendir le feu du soleil. De créer des « Bijoux de Diamants », quintessence de son goût pour l’éclat irrésistible du beau et du vivant.
« Si j’ai choisi le diamant, c’est parce qu’il représente,
avec sa densité, la valeur la plus grande sous le plus petit volume »
Gabrielle Chanel
Dossier de presse « Bijoux de Diamants » de 1932
La création de « Bijoux de Diamants » répond à une syntaxe très personnelle, une façon d’avoir des idées neuves et d’appliquer à la Haute Joaillerie les principes de la Haute Couture. Mademoiselle crée en 1932 la toute première collection de Haute Joaillerie de l’histoire autour d’une unité de thème, de temps et de lieu, à l’exact opposé des joailliers de son temps. Son travail du bijou ne dépareille pas de celui du vêtement. Toujours la ligne prévaut pour que seule l’allure compte. La perfection du diamant est sublimée par la plus grande simplicité. À nu, sans monture apparente, facettés dans un style classique, leur taille parfaitement équilibrée affiche une pureté extrême à la valeur inaltérable, insubmersible face au temps. Ou pire aux modes.
« Je retrouve les motifs qui mettent le mieux en valeur l’éclat du diamant,
l’étoile, la croix, la chute par rang de taille et les gros cabochons ensoleillés »
Gabrielle Chanel
L’Intransigeant, 8 novembre 1932
Bien plus que son nom ne l’indique, « Bijoux de Diamants » est une collection d’une richesse éblouissante. Une cinquantaine de pièces de diamants blancs et jaunes montés sur platine mais aussi en or jaune, à porter comme des diamants de jour, incroyables concentrés de lumière. Parmi les pièces identifiées, 22 dessinent la carte d’un ciel traversé par autant de comètes, de lunes et de soleils. Mademoiselle imagina également 17 illusions d’optique reproduisant la souplesse de rubans noués, de franges dansantes et de plumes aériennes, ainsi que 8 pièces explorant la pureté graphique de spirales, de ronds, de carrés et de croix. Une ligne prolifique qui délivrera lentement ses secrets au fil des siècles. Si des témoignages attestent de l’existence de broches monumentales en forme de 3, de 5 et de 7 dont aucune trace n’a été retrouvée à ce jour, 2012 verra la découverte d’un documentaire, tourné par Pathé Gaumont, qui avait été diffusé à l’époque dans tous les cinémas en France lors des actualités cinématographiques, l’ancêtre du journal télévisé. Ce court film présentait une sélection représentative des bijoux filmés chez Gabrielle Chanel au 29 rue du Faubourg Saint-Honoré.
Détour obligatoire d’une femme qui ne fait décidément rien comme tout le monde mais tout avant les autres, ce film met en lumière deux pièces en or et diamants jaunes, bien avant la mode des années 60, traduction de l’amour de Gabrielle Chanel pour la vitalité du soleil : une fine spirale d’or s’enroule autour du doigt pour y jucher un diamant jaune, écho au talisman – une petite bague en topaze jaune – d’une Mademoiselle née sous le soleil ardent du mois d’août, et une broche soleil dont la multitude de diamants jaunes lui confère une valeur extraordinaire.
« Je veux que le bijou soit aux doigts de la femme comme un ruban.
Mes rubans sont souples et démontables »
Gabrielle Chanel
L’Intransigeant, 8 novembre 1932
Seules, en triptyque, naissantes ou filantes jusqu’à l’infini… Des comètes à profusion et des soleils flamboyants essaiment le corps, sur des manteaux, une taille ou un corsage. Météores et chevelure de comètes constellent les lobes ou s’enroulent autour des poignets et du cou sans jamais l’enfermer. Ici, c’est la respiration qui fait scintiller la Grande Ourse sur le plexus solaire. Parsemés d’une infinité de pierres, nœuds, plumes et franges apportent leur souplesse sur une tenue, une chevelure, au plus près des clavicules ou le long de la main. Un ruban contrasté noir et blanc parsemé de diamants s’articule autour du poignet. Parmi les pièces identifiées : 17 broches, 9 bijoux de tête, 8 colliers, 4 bagues, 3 bracelets, 2 paires de boucles d’oreilles, 2 montres et 2 accessoires – dont cet étui à cigarettes serti de diamants à l’extérieur comme à l’intérieur – s’attachent à rendre les femmes particulièrement brillantes.
« Mes bijoux ne restent jamais isolés de l’idée de la femme et de sa robe.
C’est parce que les robes changent que mes bijoux se transforment »
Gabrielle Chanel
L’Intransigeant, 8 novembre 1932
Parce qu’elle applique à ses bijoux les mêmes principes modernistes qu’à ses vêtements, Mademoiselle a pensé la joaillerie comme une idée neuve, instaurant un rapport au corps inédit. Si « Bijoux de Diamants » est la première collection de Haute Joaillerie de l’histoire, elle sera avant tout une collection pensée pour les femmes. Des femmes ancrées dans le monde et la vie, à la féminité en perpétuel mouvement, pour qui Gabrielle Chanel créera des pièces dénuées de fermoir qui n’entravent jamais le corps en marche.
« J’ai les fermoirs en horreur ! J’ai supprimé les fermoirs !
Pourtant, mes bijoux peuvent se transformer »
Gabrielle Chanel
L’Illustration, 12 novembre 1932
En créant « Bijoux de Diamants », Mademoiselle fait le choix de la liberté. Celle qu’ont les femmes de choisir de vivre comme bon leur semble. De bouger sans contrainte. De décider de porter des pièces pour rehausser le feu de leur individualité, plutôt qu’être les supports de diamants sublimes mais sans vie. Ce seront bien les femmes qui choisiront d’associer ici une plume avec un croissant de lune, là avec des franges ou un nœud sur une tenue ou une coiffure, de faire se rencontrer le jour et la nuit en mariant comètes, lune et soleil, de détourner un collier en trois bracelets et d’en ôter les motifs de passementerie pour les porter en broches. Un champ des possibles infini encore jamais offert nulle part sur le globe et dont la presse saluera l’inventivité.
Parce qu’elles se détournent, se transforment et se posent librement sur le corps pour signer une allure, les pièces de « Bijoux de Diamants » ne démoderont pas seulement la parure. Ils la rendront ordinaire.
Huit milliards d’éclats, 93 millions de pierres… Parce que la nouveauté, la vraie, est bien souvent le meilleur des catalyseurs de rumeurs, la presse se lance dans une escalade de chiffres dont l’extravagance fait grimper chaque jour d’avantage l’aura de mystère entourant la collection. Et alimente également les rancœurs.
Quel pire affront que le choix d’un couturier pour relancer le marché du diamant, plutôt qu’un joaillier ? Le choix d’une couturière.
Broche Comète de la collection Bijoux de Diamants (1932)
en platine, sertie de 28 diamants taille ancienne de 7,8 carats
L’annonce de la Diamond Corporation Limited crispe immédiatement la place Vendôme et « Bijoux de Diamants » devient « L’Affaire Chanel ». Toute une corporation se ligue afin d’empêcher Gabrielle Chanel de faire de la joaillerie et exige le démontage des bijoux et la restitution des pierres. Mais parce que certaines pièces furent vendues dès le premier jour, quelques témoignages émouvants subsistent encore aujourd’hui. Cet écrin bleu nuit à l’intérieur gainé de soie ton sur ton, renfermant un morceau de nuit étoilée : une broche comète en platine et diamants de 7,8 carats. Ou encore cette plume, longue et incroyablement souple, qui se pique sur un corsage, ferme un manteau comme une ceinture, ceint le front de lumière ou épouse la rondeur de l’épaule grâce à un extraordinaire jeu d’emmaillement.
Faire bouger les lignes de la joaillerie est un exploit. Poursuivre la réinvention du genre jusque dans sa façon d’être au monde en est un autre. Pour présenter « Bijoux de Diamants », Mademoiselle ne laisse rien au hasard. Les bijoux seront montrés du 7 au 19 novembre, le temps d’une exposition inédite, précédée par deux jours de vernissage où se presseront la presse internationale et les gens du monde. Ingénieux choix de date, quand il s’agit de trouver le cadeau qui illuminera les fêtes de fin d’année.
Lignes bâtons, noir et blanc… Avec une sobriété que seule permet l’élégance, le carton d’invitation affiche une entrée à 20 francs, reversés au profit de deux œuvres d’utilité publique : la Société de la Charité Maternelle de Paris, association créée en 1784 sous le patronat de Marie-Antoinette, et l’Assistance Privée à la Classe Moyenne alors présidée par Maurice Donnay de l’Académie Française. Un nouveau visage de Gabrielle Chanel apparaît pour la première fois au grand jour, celui d’une Mademoiselle mécène, elle qui soutenait déjà en toute pudeur les Ballets russes de Serge Diaghilev depuis 1920.
Le 5 novembre donc – chiffre symbolique de Gabrielle Chanel qui présente ses collections Haute Couture le 5e jour des mois de février et d’août, qui nommera son parfum créé en 1921 et qui se retrouvera dans le nom de son sac lancé en février 1955 – s’ouvre un vernissage à son adresse personnelle au 29 rue du Faubourg Saint-Honoré. C’est là, dans les salons XVIIIe de l’hôtel Rohan-Montbazon qu’elle occupe depuis bientôt 10 ans, que se croisent le monde des arts, de la presse et du Gotha. Sous les hauts plafonds aux lambris dorés comme le feu du soleil, parmi les glaces gigantesques, les lampes de cristal et les paravents de Coromandel, se retrouveront Jean Cocteau, Pablo Picasso, Gloria Swanson. Devant les lourds rideaux de velours encadrant les immenses portes-fenêtres, José-Maria et Roussy Sert, Georges Auric et la danseuse des Ballets russes Alice Nikitina admirent les jardins de l’avenue Gabriel. Sur les tapis moelleux, au milieu des canapés et des fauteuils patinés, Louis Metman et Georges Duthuit, conservateurs des Arts Décoratifs et du Louvre, s’entretiennent avec les épouses de Cole Porter et d’Alphonse Daudet.
Ici et là, une lumière mystérieuse inonde d’immenses boîtes de glace, placées sur des fûts de marbre. À l’intérieur, des mannequins de cire décapés, maquillés et coiffés par Mademoiselle elle-même semblent sur le point de s’animer. Bustes et mains sont constellés de pierres, dont l’éclat se démultiplie dans l’infinité de miroirs facettés astucieusement placés, rendant les créations visibles sous tous les angles. En choisissant le surréalisme pour cette mise en scène, Gabrielle Chanel sort les pièces des vitrines et fait s’envoler ses invités dans un ciel étoilé sur jardin.
Gabrielle Chanel s’entourera des talents de son temps pour le lancement de « Bijoux de Diamants ». Un Bauhaus personnel, où la créativité humaine transcende la plus précieuse des matières et apporte à une collection de Haute Joaillerie ce « supplément d’âme » cher au philosophe.
Alors qu’il s’agit d’imaginer aujourd’hui ce que sera la joaillerie de demain, Gabrielle Chanel réinterprètera des propositions de Paul Iribe pour les repenser, faire sauter les fermoirs et rendre les bijoux modulables. Artiste à la créativité protéiforme, l’illustrateur, précurseur de l’Art Déco, partage sa vie depuis le début des années 30 et la représente au conseil d’administration des parfums CHANEL. Jusqu’à sa mort à La Pausa en 1935, il sera un fervent défenseur de l’artisanat français d’exception, prônant le raffinement de l’esprit humain face à l’efficacité froide de la machine.
Du vernissage subsistent parmi les souvenirs les plus émouvants des dessins de l’illustrateur Christian Bérard montrant Mademoiselle en pleine préparation de ses mannequins de cire. À cette occasion, elle eut également la riche idée de faire imprimer par Draeger, l’un des plus grands imprimeurs de l’époque, un luxueux document en noir et blanc comprenant cinq photographies de bijoux destinées à la presse. Leur cadrage singulier est signé Robert Bresson, futur géant du cinéma français. Accompagnant les tirages, un manifeste signé de sa main explique sa démarche. Le manuscrit original, rédigé par Jean Cocteau est conservé à la Bibliothèque Historique de la Ville de Paris.
Mention obligatoire : © espritdegabrielle.com
Crédits photos et vidéo : © CHANEL
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